<42>L'œil chargé de pavots, engourdie et pesante,
Sous ses lois vous captive enfin.
Ermite au centre de la ville,
Et presque inconnu dans Berlin,
En vain la campagne fertile
Vous offre un plus riant destin.
Quittez cet ennuyeux asile,
Les noirs chagrins, les embarras,
Ces soucis, ces procès, ces rats,
Qui ne font qu'échauffer la bile;
Suivez les plaisirs sur mes pas,
Venez à Sans-Souci, c'est là que l'on peut être
Son souverain, son roi, son véritable maître;
Ce champêtre séjour, par sa tranquillité,
Nous invite à jouir de notre liberté.
D'Argens, si vous voulez connaître
Cette solitude champêtre,
Ces lieux où votre ami composa ce discours,
Où la Parque pour moi file les plus beaux jours,
Sachez qu'au haut d'une colline
D'où l'œil en liberté peut s'égarer au loin,
La maison du maître domine;
D'un ouvrage fini l'on admire le soin,
La pierre sous la main habilement taillée,
En divers groupes travaillée,
Décore l'édifice et ne le charge point.
A l'aube ce palais se dore
Des premiers rayons de l'aurore,
Sur lui directement lancés;
Par six terrasses différentes,
Vous descendez six douces pentes
Pour fuir dans des bosquets de cent verts nuancés.
Sous ce branchage épais, des nymphes enfantines
Font sauter et jaillir leurs ondes argentines
Sur des marbres sculptés qui ne le cèdent pas
Aux chefs-d'œuvre des Phidias.
Là, le train de mes jours a la démarche unie,