<27>Sans se bercer de visions cornues,
Ils ne vont point se perdre dans les nues;
Très-ignorants dessus l'antiquité,
Et sans souci pour le destin du monde,
Dans leurs hameaux règne une paix profonde,
Les jeux, les ris, l'amour et la gaîté.
De l'intérêt la tyrannique idole
Ne les vit point, accourants au Pactole,
Porter le joug de la cupidité;
La vaine gloire impérieuse et folle
N'a pu jamais tenter leur vanité,
Et de leurs vœux l'arrogance frivole
N'importuna point la Divinité.
Ils sont heureux dans leur rusticité,
Tandis qu'en ville, au centre du tumulte,
Enseveli dessous la poudre occulte
Du pays grec et du pays latin,
Digne Jordan, tu lis et tu consulte
Tous ces savants dont le savoir certain
Est le flambeau du faible genre humain.
Pour te tirer de ta mélancolie,
Pour t'inspirer notre aimable folie,
Ma muse et moi nous mîmes en chemin.
Tu sais très-bien que nous autres poëtes
En peu de temps faisons de longues traites;
Ainsi d'abord nous fûmes à Berlin.
En approchant de tes doctes retraites,
Près de la porte, orné de ses vignettes,
Je fus frappé d'un gros saint Augustin
Qui, de travers, s'appuyait sur l'ouvrage
D'un grand bavard, savant bénédictin;
Là se trouvait rangé sur le passage
D'auteurs en us le pédantesque essaim,
De Quatre-gros2 méritant le suffrage,
Qui, dans ta salle, en bravant le destin,
Grands de renom, mais pauvres d'équipage,


2 Brocanteur de livres.