<253>Vers ce bosquet ils cheminent tous trois.
Le bon Charlot, qui trottait dans la bande,
Chemin faisant, aux saints se recommande.
Dévotement, avant que de partir,
Il s'aspergea d'un vase d'eau bénite;
Très-sage était; ce fut pour prévenir
Les mauvais tours de l'engeance maudite.
Au bois marqué l'on arrive, et Franquin
De son habit sortit un vieux bouquin.
Dans la forêt cherchant, il trouve à peine
Sous l'herbe épaisse un bouquet de verveine,
Et puis d'un coudre il se taille un bâton,
Devient hideux, change d'air et de ton.
Telle qu'on peint d'Apollon la prêtresse,
Quand son démon la possède et l'oppresse,
Qu'un feu divin s'empare de ses sens;
En se tenant sur un trépied qui fume,
L'œil égaré, s'agitant, elle écume,
Tout en fureur profère ses accents :
Bien plus affreux Franquin parut au prince;
Il gesticule, et de ses dents qu'il grince
Le sifflement inspirait de l'horreur.
Il proféra nombre de mots barbares,
Il se transporte, il est plein de fureur;
Il fait en l'air mille signes bizarres,
En invoquant Astaroth, Lucifer,
La Nuit, l'Érèbe et les monstres d'enfer.
Au bois se fait une rumeur bruyante;
Franquin l'entend sans changer de couleur.
Le bon Charlot en tressaillit de peur;
En se signant, il fuit, plein d'épouvante.
Le bruit s'accroît, il approche, il augmente,
Et du taillis sort un grand sanglier,
Tel que celui des forêts d'Érymanthe;
Il court, et passe à côté du sorcier.
« N'est-ce que ça? reprit le fier Rosière;
Besoin n'était de faire le lutin,