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LETTRE XI. A VOLTAIRE.

De Potsdam, le 20 février 1750.

La nuit, compagne du repos,
De son crêpa couvrant la lumière,
Avait jeté sur ma paupière
Ses plus léthargiques pavots;
Mon âme était appesantie,
Et ma pensée anéantie,
Lorsqu'un songe, d'un vol léger,
Me fit passer comme un éclair
Aux bords fleuris de l'Élysée.
Là, sous un berceau toujours vert,
Je vis l'ombre immortalisée
De l'aimable Césarion.
Dans la plus vive émotion,
Je m'élançai soudain vers elle :
« O ciel! est-ce toi que je vois,
Disais-je, ami tendre et fidèle,
Toi, que j'ai pleuré tant de fois,
Toi, de qui la perte cruelle
M'est encor récente et nouvelle? »


a Voyez, la lettre de Voltaire à Frédéric, du 5 janvier 1767.