<133>n'y a aucun endroit où le projet de la conjuration soit clairement développé; on ignore quel était le véritable dessein de Catilina, et il me semble que sa conduite est celle d'un homme ivre. Vous aurez remarqué encore que les interlocuteurs changent presque à chaque scène; il semble qu'ils n'y viennent que pour faire varier de dialogue à Catilina. On peut retrancher de la pièce, sans y rien changer, Lentulus et les ambassadeurs gaulois, qui ne sont que des personnages inutiles, pas même épisodiques. Le quatrième acte est le plus mauvais de tous; ce n'est qu'un persifflage. Et dans le cinquième acte, Catilina vient se tuer dans le temple, parce que l'auteur avait besoin d'une catastrophe; il n'y a aucune raison valable qui l'amène là; il semble qu'il devait sortir de Rome, comme fit effectivement le vrai Catilina.

Ce n'est que la beauté de l'élocution et le caractère de Catilina qui soutiennent cette pièce sur le théâtre français. Par exemple, lorsque Catilina est amoureux, c'est comme un conjuré rempli d'ambition doit l'être :

C'est l'ouvrage des sens, non le faible de l'âme.

Quelle force n'y a-t-il pas dans ces caractères rapides de Cicéron et de Caton :

Timide, soupçonneux et prodigue de plaintes! etc.

En un mot, cette pièce me paraît un dialogue divinement rimé Souvenez-vous cependant que la critique est aisée, et que l'art est difficile.a

Je n'ai compté vous revoir que cet été; si cela se peut, et que vous fassiez un tour ici au mois de juin ou de juillet, cela me fera beaucoup de plaisir. Je vous promets la lecture d'un poëme épiqueb de quatre mille vers ou environ, dont Valori est le héros; il n'y manque que cette servante qui alluma dans vos sens des feux séditieux que sa pudeur sut réprimer vivement.c Je vous promets même des belles plus traitables. Venez sans dents, sans oreilles, sans yeux et sans jambes, si vous ne le pouvez autre-


a Voyez t. IX, p. 171, et t. X, p. 246.

b Le Palladion.

c Dans sa lettre à Voltaire, du 7 avril 1744, Frédéric l'appelle l'amant de la cuisinière de Valori.