<107>Au beau serin échut le meilleur apanage :
A l'abri des saisons, à l'abri de l'outrage,
Logé comme un seigneur, il ignore mes maux;
Tandis que, mouillé par l'orage,
Je grelotte sur des roseaux,
Il vit en très-grand personnage,
Il se mire dans des trumeaux,
Son bon maître l'aime à la rage,
Il le nourrit de sucre ou d'excellent biscuit.
Tandis qu'en ce maudit village
A coups de feu l'on me poursuit,
Que j'erre comme un misérable,
De cent caresses on l'accable.
Sort cruel, où m'as-tu réduit?
Que ne suis-je né son semblable! »
Notre gentil serin, quoique sans truchement,
Comprit maître moineau, je ne sais trop comment.
Un serin du bel air, qui vit dans le grand monde,
Fût-il même tant soit peu sot,
Doit deviner à demi-mot
Les autres oiseaux de la ronde.
Il répondit au gros moineau,
Dans son dialecte d'oiseau :
« Ami, ta cervelle est timbrée,
Tu parle avec esprit, mais tu raisonnes mal.
Ma cage richement dorée
Te rend en secret mon rival;
Ah! dans la plus superbe cage,
Ces fers et ma captivité
Me font sentir le poids d'un pénible esclavage.
Que m'importe la vanité?
Sois satisfait de ton partage :
Point de bonheur sans liberté. »