<79>Du front victorieux de ce jeune guerrier
Elle vient arracher le superbe laurier.
De ses exploits, dit-on, il n'est point le mobile,
Des rivaux ignorants le font paraître habile;
Si l'État par son bras a pu se soutenir,
D'un aussi grand service il faudra le punir;
Ses vertus du ministre ont allumé la haine,
Encore une victoire, et sa perte est certaine;
Qu'il répande pour nous son sang dans les combats,
Ce sang augmentera le nombre des ingrats.
On l'accuse, et ces bruits volent de bouche en bouche;
Le courtisan malin et le guerrier farouche
Divulguent au hasard ces propos dangereux,
Et le peuple idiot est abusé par eux.
Ah! Damon, quelle épreuve! ambition trompeuse,
Telle est de tes héros la récompense affreuse.
Quand même leurs exploits semblent se surpasser,
Souvent un envieux les fait tous éclipser.
Damon, dont l'imposture ose obscurcir la gloire,
Déçu de son espoir au sein de la victoire,
Perdu par ses jaloux, lorsqu'il vengeait l'État,
Quitte, plein de dépit, le métier de soldat.
Mais dans ce désespoir l'ambition altière
Lui fait tourner ses pas vers une autre carrière;
Il paraît tout à coup au fond d'un cabinet,
Griffonne des traités, met des projets au net :
Mais ce moderne Atlas, croyant porter l'Europe,
Devient sombre, rêveur, défiant, misanthrope.
Damon, comme soldat, fut simple dans ses mœurs,
Il se livra, ministre, aux vices des grandeurs.
Lorsque la politique, adoptant le sophisme,
S'imbut des trahisons du machiavélisme,
On ne vit que fripons, que fourbes, que menteurs,
Que ministres trompés et ministres trompeurs,
On proscrivit l'honneur par ces fausses maximes,
Et l'art de gouverner fut l'école des crimes.
Cette corruption, qui l'infecte soudain,