<66>Ainsi, lorsque Métellea assiégea Syracuse,
Archimède ignorait dans un sage repos
Le succès des Romains dans leurs derniers assauts.
Avidement épris d'une étude profonde,
Amant des vérités, il éclairait le monde;
Dans ceb sublime extase, il ne s'aperçut pas
Du monstre dont le fer lui portaitc le trépas.
Ce citoyen des cieux habitant sur la terre
Déplorait les humains qui se faisaient la guerre;
Son esprit affermi contre les coups du sort
Méprisait les faux biens, les malheurs et la mort.
Mais ces antiques faits vous paraissent des fables;
Voyez donc de nos jours des exemples semblables,
Voyez ce philosophe entouré de jaloux,
Toujours persécuté, toujours modeste et doux.
Lorsque Bayle entendit qu'un démon scolastique,3
Animé contre lui d'un zèle fanatique,
Avait à Rotterdam fait rayer les tributs
Que le Batave épris payait à ses vertus,
Tout pauvre qu'il était, se mettant à sourire,
Il plaignit son rival, et poursuivit d'écrire.
Malgré la noire envie et les grands en courroux,
Les trésors de l'esprit restent toujours à nous;
Ils sont ... mais je vous vois sombre, distrait et tiède,
Je lis sur votre front l'ennui qui vous excède.
« Observez, dites-vous, soixante bons quartiers
Qui distinguent mon nom de ceux des roturiers;
On connaît mes aïeux; mon antique noblesse
M'allia dans l'empire à mainte fière altesse;
Je possède des biens, des talents, de l'esprit,
Et je plais, si j'en crois ce que le monde en dit :


a Marcelle. (Variante de l'édition in-4 de 1760, p. 96.)

b L'édition in-4 de 1760, p. 97, dit plus correctement « Dans sa sublime extase. »

c Porta. (Variante de l'édition in-4 de 1760, p. 97.)

3 Jurieu.