<144>L'inquiète cabale et la perfide envie,
La haine, la fureur, l'infâme calomnie,
L'instruisent en passant de faits remplis d'horreurs,
Et bientôt l'univers répète ces noirceurs.
Être blessé du monstre est un mal incurable.
Eh bien, que pensez-vous? l'homme est-il raisonnable
D'employer tant de soins, de peines, de travaux,
D'immoler ses plaisirs, ses jours et son repos,
Pour attirer sur lui les yeux et le suffrage
De ce peuple ignorant, téméraire et volage,
Rempli de préjugés, esclave de l'erreur,
Et du nom des mortels très-faux dispensateur?
O gloire, illusion, cesse de nous séduire,
L'amour de la vertu doit tout seul nous conduire;
Mon cœur doit méjuger, s'il m'approuve, suffit,c
J'arrache ces lauriers qu'on me prête à crédit.
Quoi! je voudrais devoir mon nom et mon mérite
Au caprice inconstant d'une foule séduite,
Et n'être vertueux que pour me voir louer!
Que le monde me blâme ou daigne m'avouer,
Je ris de son encens qui s'envole en fumée,
Et du peuple insensé qui fait la renommée.


c Il suffit. (Variante de l'édition in-4 de 1760, p. 223.)