<103>Opère ce miracle à la faveur du vent;
C'est une poudre fine artistement broyée,
Il faut pour vous nourrir qu'elle soit délayée,
Que la chaleur du four et l'aide du levain
Par un dernier effort la transforment en pain.
Dans vos riches palais, votre fière mollesse
De ce simple aliment dédaigne la bassesse;
Trop loin des laboureurs qui peuplent les hameaux,
Vous couvrez de mépris leurs utiles travaux.
Vous ignorez encor par quel immense ouvrage
Le Français prépara cet excellent breuvage,
Ce vin, que vous buvez d'un air de connaisseur,
Et dont vous nous vantez la séve et la douceur.
Les fertiles coteaux où serpente la Saône
L'ont fait croître et mûrir vers la fin de l'automne;
Le vigneron soigneux en cultiva le plant,
Il donna des appuis au débile sarment,
Il pressa des raisins la liqueur empourprée,
Dans la cuve, en bouillant, de la lie épurée;
Ce jus clarifié, sans mélange, sans art,
Vieilli dans ses vaisseaux, devient ce doux nectar
Dont les flots de rubis colorent votre verre.
Et ce brillant cristal que vous jetez par terre,
Ce vase transparent que vous n'estimez plus
Dans les bruyants transports des plaisirs de Bacchus,
Vous le devez encore à l'industrie humaine.
La cendre, la fougère, et le sable d'arène,
Préparés par les mains d'un habile artisan,
Changent de forme et d'être en un brasier ardent :
Leur composition, de dure et de solide,
Par la vertu du feu soudain devient fluide;
L'ouvrier, en soufflant par un tube de fer,
Dilate cette masse et la gonfle par l'air;
Souple au gré du ciseau dont elle est arrondie,
Elle devient cristal dès qu'elle est refroidie,
Et permet aux rayons d'oser la traverser.
Ainsi s'est fait ce verre où l'on vous voit verser