<272>fiât une partie de son intérêt à celui de son semblable. Il en résulte que si vous ne voulez pas qu'on vous trompe, vous ne devez tromper personne; vous ne voulez pas qu'on vous vole, ne volez point vous-même; vous voulez qu'on vous assiste dans vos besoins, soyez toujours prêt à servir les autres; vous ne voulez pas qu'on soit inutile, travaillez; vous voulez que l'État vous défende, contribuez-y de votre argent, mieux encore de votre personne; vous désirez la sûreté publique, ne troublez pas vous-même son repos; et si vous voulez que votre patrie prospère, évertuez-vous, servez-la de tout votre pouvoir. Vous ajoutez que personne ne vous a instruit ni parlé de ce pacte social : c'est la faute de vos parents; ceux qui ont présidé à votre éducation n'auraient pas dû négliger un article aussi important. Mais pour peu que vous y eussiez réfléchi, vous l'auriez deviné sans peine.

Vous poursuivez ainsi : Je ne sais quelle dette je dois acquitter envers la société, et je ne sais où trouver le capital dont elle exige les intérêts. Ce capital, c'est vous, votre éducation, vos parents, vos biens; voilà le capital dont vous êtes en possession. Les intérêts que vous lui devez, c'est d'aimer votre patrie comme votre mère, de lui consacrer vos talents; en vous rendant utile, vous vous acquittez de tout ce qu'elle a droit d'exiger de vous. J'ajoute à ceci qu'il est égal sous quel genre de gouvernement se trouve votre patrie; ils sont tous l'ouvrage des hommes, il n'en est aucun de parfait. Vos devoirs sont donc égaux; soit monarchie, ou république, cela revient au même.

Allons plus en avant. Je me souviens que votre lettre fait mention de quelque idée des encyclopédistesa dont on vous a parlé. Il y a quelques années que nous étions inondés de leurs ouvrages. Parmi un petit nombre de bonnes choses et un petit nombre de vérités qu'on y trouve, le reste m'a paru un ramas de paradoxes et d'idées légèrement avancées qu'on aurait dû revoir et corriger avant de les


a D'Alembert prend la défense des véritables encyclopédistes dans deux de ses lettres au Roi, celles du 19 novembre et du 27 décembre 1779.