<270> de grands exemples de magnanimité, de grandeur d'âme, auxquels le public a rendu justice; mais que de peine pour acheter un peu de gloire! On rapporte qu'Alexandre le Grand, après une de ses victoires, s'écria : « O Athéniens, si vous saviez ce qu'il en coûte pour être loué de vous! »a Vous ne me passerez pas ces réflexions; vous les trouverez trop molles, trop efféminées. Vous voulez un gouvernement dont tous les citoyens ne soient que nerf et qu'énergie, où tout soit force et action; et je me doute que vous ne tolérez le repos que pour les imbéciles, les infirmes, les aveugles et les vieillards. Comme je ne me trouve pas de leur nombre, je m'attends à subir condamnation. Je ne saurais vous cacher que la matière que nous dissertons est beaucoup plus étendue que je ne me l'étais figuré. Que de différentes branches y concourent, que de combinaisons infinies pour former un corps de tant de parties qui constituent un gouvernement régulier! Nous avons peu de livres sur ce sujet, ou ceux qui existent sont d'une pédanterie assommante. Vous avez tout approfondi, et vous mettez vos connaissances à ma portée. Je vous ai l'obligation de m'avoir instruit, jusqu'aux difficultés près que je viens de vous expliquer. Continuez, je vous prie, comme vous avez commencé. Je vous regarde comme mon maître, je me fais gloire d'être votre disciple. Le rapport que les citoyens ont les uns avec les autres, les liens divers qui unissent la société, ce qu'exigent nos devoirs, toutes ces idées bouillonnent et fermentent sans cesse dans ma tête; je ne pense presque plus à autre chose. Quand je rencontre un agriculteur, je le bénis des travaux qu'il endure pour me nourrir; si j'aperçois un cordonnier, je le remercie intérieurement de la peine qu'il se donne de me chausser; passe-t-il un soldat, je fais des vœux pour ce vaillant défenseur de ma patrie. Vous avez rendu mon cœur sensible; j'étends maintenant les sentiments de ma reconnaissance sur tous mes concitoyens, mais principalement sur vous, qui, m'ayant développé la


a Plutarque, Vie d'Alexandre, chap. 60.