<146> votre volonté soit faite. Voilà deux personnes unies, de caractère d'inclination, de mœurs incompatibles; le trouble entre dans ce nouveau ménage du jour que ce malheureux lien a été formé, et bientôt il est suivi de l'aversion, de la haine et du scandale. Voilà donc deux malheureux; le grand but du mariage est manqué. Monsieur et madame se séparent, ils dissipent leur bien dans le désordre, ils tombent dans le mépris, et finissent par la misère. Je respecte autant que personne l'autorité paternelle, et je ne m'élève point contre elle; mais je voudrais que ceux qui l'ont en main n'en abusassent pas en contraignant leurs enfants à se marier lorsqu'il se trouve une espèce d'antipathie entre les caractères et les âges; qu'ils choisissent pour eux-mêmes selon leur fantaisie, mais qu'ils consultent leurs enfants quand il s'agit d'un engagement dont dépend leur bonheur ou leur malheur pour toute leur vie. Si cela ne rend pas tous les mariages meilleurs, c'est au moins ôter une excuse à ceux qui rejettent les désordres de leur conduite sur la violence que leurs parents leur ont faite.

Voilà en gros, monsieur, les observations que j'ai laites dans ce pays sur les vices de l'éducation. Si vous me trouvez enthousiaste du bien public, je me glorifierai du défaut que vous me reprochez. En exigeant beaucoup des hommes, on en obtient au moins quelque chose. Vous qui avez une nombreuse famille, sage et prudent comme je vous connais, vous avez réfléchi sur les devoirs que la condition de père vous impose, et vous trouverez dans vos pensées le germe de celles que je viens de développer. Dans le grand monde, on ne se recueille guère; on se contente d'idées vagues, on réfléchit moins encore, on suit l'usage et la tyrannie de la mode, qui s'étend jusque sur l'éducation. Il ne faut donc point s'étonner si les suites et les conséquences répondent aux principes erronés par lesquels on agit. Je m'indigne des peines qu'on se donne dans ce climat rigoureux pour y faire prospérer des ananas, des pisans et d'autres plantes exotiques,