<113> l'humanité et la bienfaisance. Je ne compte pas de ce nombre ces reclus atrabilaires et fanatiques qui ont enseveli dans des cachots religieux des vertus qui pouvaient devenir utiles à leur prochain, et qui ont mieux aimé vivre à la charge de la société que de la servir.

Il faudrait commencer aujourd'hui par imiter l'exemple des anciens, employer tous les encouragements qui peuvent rendre l'espèce humaine meilleure, préférer dans les écoles l'étude de la morale à toute autre connaissance, prendre une méthode aisée pour l'enseigner. Peut-être ne serait-ce pas un petit acheminement à ce but que de composer des catéchismes où les enfants apprendraient, dès leur plus tendre jeunesse, que pour être heureux la vertu leur est indispensablement nécessaire. Je voudrais que les philosophes, moins appliqués à des recherches aussi curieuses que vaines, exerçassent davantage leurs talents sur la morale, surtout que leur vie servît en tout d'exemple à leurs disciples; alors ils mériteraient avec justice le titre de précepteurs du genre humain. Il faudrait que les théologiens s'occupassent moins à expliquer des dogmes inintelligibles, et que, désabusés de la fureur de vouloir démontrer des choses qui nous sont annoncées comme des mystères d'un ordre supérieur à la raison, ils s'appliquassent davantage à prêcher la morale pratique, et qu'au lieu de prononcer des discours fleuris, ils fissent des discours utiles, simples, clairs et à la portée de leur auditoire. Les hommes s'endorment à la suite d'un raisonnement alambiqué, ils s'éveillent quand il est question de leur intérêt; de sorte que, par des discours adroits et pleins de sagesse, on rendrait l'amour-propre le coryphée de la vertu. Des exemples récents et analogues à ceux qu'on veut persuader peuvent être employés avec succès, comme, s'il s'agissait d'animer un laboureur paresseux à mieux cultiver son champ, on l'encouragerait sans doute en lui montrant son voisin qui s'est enrichi par son activité laborieuse; il ne dépend que de lui de prospérer de même. Mais les modèles doivent être choisis à la portée de ceux qui doivent les imiter,