<V>

IV. L'ANTIMACHIAVEL, OU EXAMEN DU PRINCE DE MACHIAVEL, ET RÉFUTATION DU PRINCE DE MACHIAVEL.

Au mois de juillet 1737, Frédéric envoya à Cirey son ami le baron Didier de Keyserlingk pour complimenter Voltaire, dont il devait rapporter les nouveaux ouvrages, tant manuscrits qu'imprimés. Le manuscrit de l'Histoire du Siècle de Louis XIV faisait partie de cet envoi, et le Roi écrivit à l'auteur, le 31 mars 1738 : « Votre Histoire du Siècle de Louis XIV m'enchante. Je voudrais seulement que vous n'eussiez point rangé Machiavel, qui était un malhonnête homme, au rang des autres grands hommes de son temps. » Voltaire entra dans les idées du Prince royal, qui en fut charmé et lui dit dans sa lettre du 17 juin : « Voilà donc Machiavel rayé de la liste des grands hommes, et votre plume regrette de s'être souillée de son nom. »

Ce sujet ne reparaît plus dans leur correspondance jusqu'au 22 mars 1739, que Frédéric écrivit à Voltaire : « Je médite un ouvrage sur le Prince de Machiavel. » Cet ouvrage devait être imprimé à Londres, avec le plus grand luxe, par les soins d'Algarotti. Mais ce projet ne fut pas exécuté, et Frédéric envoya à Voltaire, le 4 décembre, les douze premiers chapitres de son ouvrage; les autres suivirent, et le prince finit par écrire à son illustre ami, le 26 avril 1740 : « Je vous abandonne mon ouvrage, persuadé qu'il s'embellira entre vos mains; il faut votre creuset pour séparer l'or de l'alliage. »

Voltaire, désireux de répondre à cette confiance, faisait librement remarquer à l'Auteur les longueurs et les répétitions qui déparaient ce travail, ainsi que des passages qui pouvaient déplaire à certaines puissances. Frédéric lui répondit le 5 août : « Je me repose entièrement sur mon cher éditeur; » et le 8 : « Rayez, changez, corrigez et remplacez tous les endroits qu'il vous plaira. Je m'en remets à votre discernement. » Depuis que le Prince royal était devenu roi, il aurait volontiers retiré l'ouvrage de l'impression; aussi Voltaire, comprenant les ménagements que la politique imposait au monarque, s'efforça de lui complaire en effaçant plus encore qu'il n'avait fait. Mais van Duren, libraire à la Haye, propriétaire légitime du manuscrit, acheva de l'imprimer tel qu'il l'avait reçu primitivement, et la première édition en parut à la fin de septembre 1740, sous le titre de : L'Antimachiavel, ou Examen du Prince de Machiavel, avec des notes historiques et politiques. A la Haye, chez Jean van Duren, MDCCXLI. Avec Privilége, et avec une