<38> très-différent assurément du vôtre, et qui, par un principe évidemment faux, explique les mêmes merveilles que celui de Copernic?- Je vous attends aux erreurs des Malabares, reprit Philante. - C'est justement de leur montagne que j'allais vous parler; mais, erreur tant qu'il vous plaira, ce système, mon cher Philante, explique parfaitement bien les opérations astronomiques de la nature; et il est étonnant que, partant d'un point aussi absurde que l'est celui de supposer le soleil uniquement occupé à faire le tour d'une grande montagne qui se trouve dans le pays de ces barbares, ces astronomes aient pu si bien prédire les mêmes révolutions et les mêmes éclipses que votre Copernic : l'erreur des Malabares est grossière, celle de Copernic est peut-être moins sensible. Peut-être verra-t-on un jour quelque nouveau philosophe dogmatiser du haut de sa gloire, et, tout bouffi d'arrogance de quelque découverte peu importante, et toujours suffisante pour servir de base à un nouveau système, traiter les coperniciens et les newtoniens comme un petit essaim de misérables qui ne méritent pas qu'on relève leurs erreurs.

- Il est vrai, dit Philante, que les nouveaux philosophes ont eu de tout temps le droit de triompher des anciens. Des Cartes foudroya les saints de l'école, et il fut foudroyé à son tour par Newton, et celui-ci n'attend qu'un successeur pour subir le même sort. - Ne serait-ce point, repris-je, qu'il ne faut que de l'amour-propre pour faire un système? De cette haute idée de son mérite naît un sentiment d'infaillibilité : alors le philosophe forge son système. Il commence par croire aveuglément ce qu'il veut prouver; il cherche des raisons pour y donner un air de vraisemblance, et de là une source intarissable d'erreurs. Il devrait tout au contraire commencer par remonter, au moyen de plusieurs observations, de conséquences en conséquences, et voir simplement à quoi elles aboutiraient, et ce qui en résulterait; on en croirait moins, et on apprendrait savamment à douter, en suivant les pas timides de la circonspection. - Il vous fau-