<295> conduite. Mais si ces haines produisent cet effet d'un côté, elles en produisent aussi, d'un autre, qui sont très-préjudiciables aux intérêts de ces mêmes princes; car, au lieu que ces ministres devraient y contribuer également, il arrive que, par des vues de se nuire, ils contrecarrent leurs avis et leurs plans les plus convenables pour le bien de l'État, et qu'ils confondent dans leurs querelles particulières l'avantage du prince et le salut des peuples.

Rien ne contribue donc plus à la force d'une monarchie que l'union intime et inséparable de tous ses membres, et ce doit être le but d'un prince sage de l'établir.

Ce que je viens de répondre à la troisième question de Machiavel peut en quelque sorte servir de solution à son quatrième problème; examinons cependant et jugeons en deux mots si un prince doit fomenter des factions contre lui-même, ou s'il doit gagner l'amitié de ses sujets.

C'est forger des monstres pour les combattre que de se faire des ennemis pour les vaincre; il est plus naturel, plus raisonnable, plus humain de se faire des amis. Heureux sont les princes qui connaissent les douceurs de l'amitié!a plus heureux sont ceux qui méritent l'amour et l'affection de leurs peuples!

Nous voici à la dernière question de Machiavel, savoir : si un prince doit avoir des forteresses et des citadelles, ou s'il doit les raser.

Je crois avoir dit mon sentiment dans le chapitre dixième pour ce qui regarde les petits princes; venons à présent à ce qui intéresse la conduite des rois.

Dans les temps de Machiavel, le monde était dans une fermentation générale; l'esprit de sédition et de révolte régnait partout; et l'on ne voyait que des villes rebelles, des peuples qui remuaient, et des sujets de trouble et de guerre pour les souverains et pour leurs États. Ces révolutions fréquentes et continuelles obligèrent les princes de


a Voyez, ci-dessus, p. 58.