<29> des affaires. Au lieu de projeter sans cesse des conquêtes, ces dieux de la terre ne travailleraient qu'à assurer le bonheur de leur peuple; ils emploieraient toute leur application à soulager les misérables et à rendre leur domination douce et salutaire; il faudrait que leurs bienfaits fissent désirer d'être né leur sujet; qu'il régnât une généreuse émulation entre eux à qui surpasserait les autres en bonté et en clémence; qu'ils sentissent que la vraie gloire des princes ne consiste point à opprimer leurs voisins, point à augmenter le nombre de leurs esclaves, mais à remplir les devoirs de leurs charges, et à répondre en tout à l'intention de ceux qui les ont revêtus de leur pouvoir et de qui ils tiennent la grandeur suprême.

Ces monarques devraient songer que l'ambition et la vaine gloire sont des vices qu'on punit grièvement chez les particuliers, et qu'on abhorre toujours dans un prince.

D'un autre côté, les princes, ayant sans cesse leur devoir devant les yeux, ne négligeraient point leurs affaires comme des occupations indignes de leur grandeur; ils ne commettraient point aveuglément le salut de leur peuple aux soins d'un ministre, qui peut être suborné, qui peut manquer de talents, et qui presque toujours est moins intéressé que le maître au bien public. Les princes veilleraient eux-mêmes sur les démarches de leurs voisins; ils auraient une attention extrême à pénétrer leurs projets et à prévenir leurs entreprises; ils se précautionneraient par de bonnes alliances contre la politique de ces esprits remuants qui ne cessent d'envahir, et qui, semblables au cancer, rongent et consument tout ce qu'ils touchent. La prudence resserrerait les liens d'amitié et les alliances que formeraient de pareils princes; la sagesse serait leur conseil et ferait avorter les desseins de leurs ennemis; ils préféreraient un travail assidu, et qui aurait toujours pour but l'utilité publique, à la vie fainéante et voluptueuse des cours.