<268> pour secourir des malheureux et pour contribuer à la félicité des personnes de mérite à qui la fortune n'est pas aussi favorable que la nature. Un prince de ce caractère, bien loin de presser les peuples et de dépenser pour ses plaisirs ce que ses sujets ont amassé par leur industrie, ne pense qu'à augmenter les ressources de leur opulence; des actions injustes et mauvaises ne se font qu'à son insu, et son bon cœur l'excite à procurer à tous les peuples de sa domination tout le bonheur que l'état dans lequel ils sont peut comporter.

Voilà le sens qu'on attache pour l'ordinaire à la libéralité et à l'avarice. De petits princes dont le domaine est resserré, et qui se voient surchargés de famille, font bien de pousser l'économie jusqu'à un point que des personnes peu subtiles ne puissent la distinguer de l'avarice. Des souverains qui, pour avoir quelques États, ne sont pas des plus grands princes, sont obligés d'administrer leurs revenus avec ordre et de mesurer leurs libéralités selon leurs forces; mais plus les princes sont puissants, et plus doivent-ils être libéraux.

Peut-être m'objectera-t-on l'exemple de François Ier, roi de France, dont les dépenses excessives furent en partie la cause de ses malheurs. Il est connu que les plaisirs de François Ier absorbaient les ressources de sa gloire. Mais il y a cependant deux choses à répondre à cette objection : la première est que, du temps de ce roi, la France n'était point comparable, par rapport à sa puissance, à ses revenus et à ses forces, à ce qu'elle est à présent; et la seconde est que ce roi n'était pas libéral, mais prodigue.

Bien loin de vouloir condamner le bon ordre et l'économie d'un souverain, je suis le premier à l'en louer. Un prince, comme tuteur de ses sujets, a l'administration des deniers publics; il en est responsable à ses sujets, et il faut, s'il est sage, qu'il assemble des fonds suffisants pour qu'en temps de guerre il puisse fournir aux dépenses nécessaires sans qu'il soit obligé d'imposer de nouvelles charges. Il faut