<258> point été chasseurs tous ensemble, et qu'on peut faire, en se promenant, des réflexions plus judicieuses et plus solides sur les différentes situations, relativement à l'art de la guerre, que lorsque des perdrix des chiens couchants, des cerfs, une meute de toutes sortes d'animaux, etc., et l'ardeur de la chasse vous distraient. Un grand princea qui a fait la seconde campagne en Hongrie avec les Impériaux, a risqué d'être fait prisonnier des Turcs pour s'être égaré à la chasse. On devrait même défendre la chasse dans les armées, car elle a causé beaucoup de désordre dans les marches : que d'officiers, au lieu de s'attacher à leur troupe, ont négligé leur devoir et se sont écartés de côtés et d'autres! Des détachements ont même risqué d'être surpris et taillés en pièces par l'ennemi pour des raisons semblables.

Je conclus donc qu'il est pardonnable aux princes d'aller à la chasse, pourvu que ce ne soit que rarement, et pour les distraire de leurs occupations sérieuses et quelquefois chagrinantes.

La chasse est proprement pour ceux qui en font profession l'instrument de leur intérêt; mais les hommes raisonnables sont dans le monde pour penser et pour agir, et leur vie est trop brève pour qu'ils puissent prodiguer si mal à propos des moments qui leur sont si précieux.

J'ai dit plus haut que le premier devoir d'un prince était l'administration de la justice; j'ajoute ici que le second et celui qui le suit immédiatement est la protection et la défense de ses États.

Les souverains sont obligés d'entretenir l'ordre et la discipline dans les troupes; ils doivent même s'appliquer sérieusement au métier de la guerre, afin qu'ils sachent commander des armées, qu'ils puissent soutenir les fatigues, prendre des camps, faire naître partout l'abondance des vivres, faire de sages et bonnes dispositions, prendre des résolutions promptes et justes, trouver en eux-mêmes des expédients et des ressources dans des cas embarrassants, profiter de la bonne


a Voyez ci-dessus, p. 123.