<250> Goliath?a Ce n'est que de la crême fouettée. J'avoue que les auxiliaires incommodent quelquefois les princes; mais je demande si l'on ne s'incommode pas volontiers, lorsqu'on y gagne des villes et des provinces.

A l'occasion de ces auxiliaires, Machiavel jette son venin sur les Suisses qui sont au service de France. Je dois dire un petit mot sur le sujet de ces braves troupes, car il est indubitable que les Français ont gagné plus d'une bataille par leur secours, qu'ils ont rendu des services signalés à cet empire, et que si la France congédiait les Suisses et les Allemands qui servent dans son infanterie, ses armées seraient beaucoup moins redoutables qu'elles ne le sont à présent.

Voilà pour les erreurs de jugement; voyons à présent celles de morale. Les mauvais exemples que Machiavel propose aux princes sont de ces méchancetés qu'on ne saurait lui passer. Il allègue en ce chapitre Hiéron de Syracuse, qui, considérant que ses troupes étaient également dangereuses à garder ou à congédier, les fit toutes tailler en pièces. Des faits pareils révoltent lorsqu'on les trouve dans l'histoire; mais on se sent indigné de les voir rapportés dans un livre qui doit être pour l'instruction des princes.

La cruauté et la barbarie sont souvent fatales aux particuliers, ainsi ils en ont horreur pour la plupart; mais les princes, que la Providence a placés si loin des destinées vulgaires, en ont d'autant moins d'aversion, qu'ils ne les ont pas à craindre. Ce serait donc à tous ceux qui doivent gouverner les hommes que l'on devrait inculquer le plus d'éloignement pour tous les abus qu'ils peuvent faire d'une puissance illimitée.

Ce même Machiavel qui dit dans ce chapitre, « Qu'il n'y a rien de si fragile que le crédit et la réputation de ceux qui en ont, lorsqu'elle n'est pas fondée sur leur propre vertu, » éprouve aujourd'hui que la fragilité de sa réputation s'est évanouie, et que, si son esprit


a I Samuel, XVII, v. 38 et 39.