<243> qu'en consume la guerre, la nécessité oblige de recourir aux mercenaires, comme à l'unique moyen de suppléer au défaut de l'État.

On trouve alors des expédients qui lèvent la plupart des difficultés, et, ce que Machiavel trouve de vicieux dans cette espèce de milice, on la mêle soigneusement avec les nationaux, pour les empêcher de faire bande à part, pour les habituer au même ordre, à la même discipline et à la même fidélité; et l'on porte sa principale attention sur ce que le nombre d'étrangers n'excède point le nombre des nationaux.

Il y a un roi du Nord dont l'armée est composée de cette sorte de mixtes,a et qui n'en est pas moins puissant et formidable. La plupart des troupes européennes sont composées de nationaux et de mercenaires; ceux qui cultivent les terres, ceux qui habitent les villes, moyennant une certaine taxe qu'ils payent pour l'entretien des troupes qui doivent les défendre, ne vont plus à la guerre. Les soldats ne sont composés que de la plus vile partie du peuple, de fainéants qui aiment mieux l'oisiveté que le travail, de débauchés qui cherchent la licence et l'impunité dans les troupes, de ceux qui manquent de docilité et d'obéissance envers leurs parents, de jeunes écervelés qui s'enrôlent par libertinage, et qui, ne servant que par légèreté, ont aussi peu d'inclination et d'attachement pour leur maître que les étrangers. Que ces troupes sont différentes de ces Romains qui conquirent le monde! Ces désertions si fréquentes de nos jours dans toutes les armées étaient quelque chose d'inconnu chez les Romains; ces hommes qui combattaient pour leurs familles, pour leurs pénates, pour la bourgeoisie romaine, et pour tout ce qu'ils avaient de plus cher dans cette vie, ne pensaient pas à trahir tant d'intérêts à la fois par une lâche désertion.

Ce qui fait la sûreté des grands princes de l'Europe, c'est que leurs troupes sont à peu près toutes semblables, et qu'ils n'ont, de ce côté-là,


a Voyez t. II, p. 1 et 2.