<240> parvenir à leurs desseins. Tant il est vrai que la vraie religion même cette source la plus pure de tous nos biens, devient souvent, par un trop déplorable abus, l'origine et le principe de tous nos maux.

L'auteur remarque très-judicieusement ce qui contribua le plus à l'élévation du saint-siége. Il en attribue la raison principale à l'habile conduite d'Alexandre VI, de ce pontife qui poussait sa cruauté et son ambition à un excès énorme, et qui ne connaissait de justice que la perfidie. On ne saurait donc confondre sans une espèce de blasphème l'édifice de l'ambition de ce pontife avec l'ouvrage de la Divinité. Le ciel ne pouvait donc point avoir de part immédiate à l'élévation de cette grandeur temporelle, et ce n'est que l'ouvrage d'un homme très-méchant et très-dépravé; on ne saurait ainsi mieux faire que de distinguer toujours soigneusement dans les ecclésiastiques, quelque rang qu'ils occupent, le maquignon de la parole de Dieu, en tant qu'ils annoncent les ordres divins, de l'homme corrompu, en tant qu'ils ne pensent qu'à satisfaire leurs passions.

L'éloge de Léon X fait la conclusion de ce chapitre; mais cet éloge n'a guère de poids, puisque Machiavel était le contemporain de ce pape. Toute louange d'un sujet à l'égard de son maître, ou d'un auteur à un prince, paraît, quoi qu'on en dise, s'approcher beaucoup de la flatterie. Notre sort, tant que nous sommes, ne doit être décidé que par la postérité, qui juge sans passions et sans intérêt. Machiavel devait moins tomber dans le défaut de la flatterie que tout autre, car il n'était pas juge compétent du vrai mérite, ne connaissant pas même ce que c'est que la vertu; et je ne sais s'il aurait été plus avantageux d'être loué ou d'être blâmé par lui. J'abandonne cette question au lecteur; c'est à lui d'en juger.