<197> les foudres du ciel ne l'écraseraient pas à point nommé, sa réputation n'en sera pas moins déchirée du public, son nom sera cité parmi ceux qui font horreur à l'humanité, et l'abomination de ses sujets sera sa punition. Quelles maximes de politique : ne point faire le mal à demi, exterminer totalement un peuple, ou du moins le réduire, après l'avoir maltraité, à la dure sujétion de ne pouvoir désormais plus vous être redoutable, étouffer jusqu'aux moindres étincelles de la liberté, pousser le despotisme jusque sur les biens, et la violence jusque sur la vie des souverains! Non, il ne se peut rien de plus affreux. Ces maximes sont aussi indignes d'un être raisonnable que; d'un homme de probité. Comme je me propose de réfuter cet article plus au long dans le cinquième chapitre, j'y renvoie le lecteur.

Examinons à présent si ces colonies pour l'établissement desquelles Machiavel fait commettre tant d'injustices à son prince, si ces colonies sont aussi utiles que l'auteur le dit. Ou vous envoyez dans le pays nouvellement conquis de puissantes colonies, ou vous y en envoyez de faibles. Si ces colonies sont fortes, vous dépeuplez votre État considérablement, et vous chassez un grand nombre de vos nouveaux sujets de vos conquêtes, ce qui affaiblit vos forces, puisque la plus grande puissance d'un prince consiste dans le grand nombre d'hommes qui lui obéissent. Si vous envoyez des colonies faibles dans ce pays conquis, elles vous en garantiront mal la sûreté, puisque ce petit nombre d'hommes ne peut être comparable à celui des habitants. Ainsi vous aurez rendu malheureux ceux que vous chassez de leurs biens, sans en rien profiter.

On fait donc beaucoup mieux d'envoyer des troupes dans les pays que l'on vient de se soumettre, qui, moyennant la discipline et le bon ordre, ne pourront point fouler les peuples, ni être à charge aux villes où on les met en garnison. Je dois dire cependant, pour ne point trahir la vérité, que du temps de Machiavel les troupes étaient