<171>vées. Premièrement, un régiment suisse qui devait faire l'exercice le même matin se trouva sous les armes plus tôt qu'il ne devait y être, et lui fit résistance jusqu'à ce que le reste de la garnison s'assemblât. En second lieu, le guide qui devait mener le prince de Vaudemont à une porte de la ville dont ce prince devait s'emparer, manqua le chemin, ce qui fit que ce détachement arriva trop tard.

Le second événement dont j'ai voulu parler est celui de la paix particulière que les Anglais firent avec la France vers la fin de la guerre de la succession d'Espagne. Ni les ministres de l'empereur Joseph, ni les plus grands philosophes, ni les plus habiles politiques n'auraient pu soupçonner qu'une paire de gants changerait le destin de l'Europe; cela arriva cependant au pied de la lettre.

La duchesse de Marlborough exerçait la charge de grande maîtresse de la reine Anne à Londres, tandis que son époux faisait dans les campagnes de Brabant une double moisson de lauriers et de richesses. Cette duchesse soutenait par sa faveur le parti du héros, et le héros soutenait le crédit de son épouse par ses victoires. Le parti des torys, qui leur était opposé, et qui souhaitait la paix, ne pouvait rien, tandis que cette duchesse était toute-puissante auprès de la Reine. Elle perdit cette faveur par une cause assez légère : la Reine avait commandé des gants, et la duchesse en avait commandé en même temps; l'impatience de les avoir lui fit presser la gantière de la servir avant la Reine. Cependant Anne voulut avoir ses gants; une dame11 qui était ennemie de mylady Marlborough, informa la Reine de tout ce qui s'était passé, et s'en prévalut avec tant de malignité, que la Reine, dès ce moment, regarda la duchesse comme une favorite dont elle ne pouvait plus supporter l'insolence. La gantière acheva d'aigrir cette princesse par l'histoire des gants, qu'elle lui conta avec toute la noirceur possible. Ce levain, quoique léger, fut suffisant pour mettre toutes les humeurs en fermentation, et pour assaisonner tout ce qui


11 Madame Masham. [Voyez t. I, p. 140]