<158> il représente l'État; tout ce qui est à souhaiter, c'est qu'il fasse un choix heureux.

Il n'est pas aussi facile qu'on le pense à un souverain de bien approfondir le caractère de ceux qu'il veut employer dans les affaires; car les particuliers ont autant de facilité à se déguiser devant leurs maîtres que les princes trouvent d'obstacles pour dissimuler leur intérieur aux yeux du public.

Après tout, si Sixte-Quint a pu tromper soixante-dix cardinaux qui devaient le connaître, combien, à plus forte raison, n'est-il pas plus facile à un particulier de surprendre la pénétration du souverain qui a manqué d'occasions pour le démêler!

Un prince d'esprit peut juger sans peine du génie et de la capacité de ceux qui le servent; mais il lui est presque impossible de bien juger de leur désintéressement et de leur fidélité.

On a vu souvent que des hommes paraissent vertueux, faute d'occasions pour se démentir, mais qui ont renoncé à l'honnêteté dès que leur vertu a été mise à l'épreuve. On ne parla point mal à Rome des Tibère, des Néron, des Caligula, avant qu'ils parvinssent au trône; peut-être que leur scélératesse serait restée sans effet, si elle n'avait été mise en œuvre par l'occasion, qui développa le germe de leur méchanceté.

Il se trouve des hommes qui joignent à beaucoup d'esprit, de souplesse et de talents l'âme la plus noire et la plus ingrate; il s'en trouve d'autres qui possèdent toutes les qualités du cœur.

Les princes prudents ont ordinairement donné la préférence à ceux chez qui les qualités du cœur prévalaient, pour les employer dans l'intérieur de leur pays. Ils leur ont préféré, au contraire, ceux qui avaient plus de souplesse, pour s'en servir dans des négociations. Car, puisqu'il ne s'agit que de maintenir l'ordre et la justice dans leurs États, il suffit de l'honnêteté; et s'il faut persuader les voisins et nouer