<85> à Carthage pour faire rappeler Annibal d'Italie. De Seeland je suis ce jeune héros en Livonie : ses troupes y arrivent avec une rapidité étonnante; on peut appliquer à cette expédition le Veni, vidi, vici, de César. Le noble enthousiasme dont le Roi était animé, se communique à ses lecteurs; on se sent échauffé par le récit des exploits qui précédèrent et accompagnèrent cette grande victoire.

La conduite de Charles était sage; elle était hardie, et non pas téméraire : il fallait secourir Narwa, que le Czar assiégeait en personne; il fallait donc attaquer et battre les Russes. Leur armée, quoique nombreuse, n'était qu'une multitude de barbares mal armés, mal disciplinés, et manquant de bons généraux pour les conduire; les Suédois devaient donc s'attendre d'avoir sur les Moscovites les mêmes avantages que les Espagnols avaient eus sur les nations sauvages de l'Amérique; aussi les succès répondirent-ils pleinement à cette attente, et les nations virent avec étonnement huit mille Suédois battre et disperser quatre-vingt mille Russes.

De ce champ de triomphe j'accompagne notre héros aux bords de la Düna, seule occasion où il ait employé la ruse et s'en soit habilement servi. Les Saxons défendaient l'autre bord du fleuve; Charles les abuse par un stratagème nouveau dont il est l'inventeur. Il a déjà franchi la rivière à la faveur d'une fumée artificielle qui cachait ses mouvements, avant que le vieux Steinau, qui commandait les Saxons, s'en soit aperçu. Les Suédois sont aussitôt rangés en ordre de bataille que débarqués; après quelques chocs de cavalerie et une charge légère d'infanterie, ils mettent en fuite les Saxons et les dispersent. Quelle conduite admirable pour ce passage de rivière, quelle présence d'esprit et quelle activité pour donner, en débarquant, aux troupes un champ propre pour agir, et quelle valeur pour décider le combat en si peu de temps!

Des morceaux aussi parfaits méritent les éloges des contemporains et de la postérité; mais ce qui doit paraître surprenant à tout le