<100> outrance; bientôt sa haine se tourne tout entière contre le Czar; enfin, son ressentiment n'a d'objet que le roi d'Angleterre George Ier, et il s'oublie jusqu'à perdre de vue l'ennemi permanent de son royaume, pour courir après le fantôme d'un ennemi qui l'était occasionnellement, ou, pour mieux dire, par accident.

En rapprochant les différents traits qui caractérisent ce monarque singulier, on le trouvera plus vaillant qu'habile, plus actif que prudent, plus subordonné à ses passions qu'attaché à ses véritables intérêts; aussi audacieux mais moins rusé qu'Annibal; ressemblant plutôt à Pyrrhus qu'à Alexandre; aussi brillant que Condé à Rocroi, à Fribourg, à Nordlingue; en aucun temps comparable à Turenne, ni aussi admirable qu'il le parut aux journées de Gien, des Dunes, près de Dunkerque, de Colmar, et surtout durant ses deux dernières campagnes.

Quelque éclat que jettent les actions de notre illustre héros, il faut l'imiter avec circonspection : plus il éblouit, plus il est propre à égarer la jeunesse légère et fougueuse; on ne saurait assez lui inculquer que la valeur n'est rien sans la sagesse, et qu'à la longue un esprit de combinaison l'emporte sur une audace téméraire.

Il faudrait, pour former un parfait capitaine, qu'il réunît le courage, la constance, l'activité de Charles XII, le coup d'œil et la politique de Marlborough, les projets, les ressources, la capacité du prince Eugène, les ruses de Luxembourg, la sagesse, la méthode, la circonspection de Montécuculi, à l'à-propos de M. de Turenne. Mais je crois que ce beau phénix ne paraîtra jamais.

L'on prétend qu'Alexandre a fait Charles XII. Si cela est, Charles a fait le prince Édouard;a s'il arrive par hasard à celui-ci d'en faire un autre, ce ne sera tout au plus qu'un Don Quichotte.

Mais, dira-t-on, de quel droit vous érigez-vous en censeur des


a Charles-Édouard. Voyez t. III, p. 48 et 164.