<93> exigeaient que cette dépense se fît, qui, d'ailleurs, venait mal à propos, surtout à l'égard des grandes entreprises de finance dont on était occupé, et qui absorbaient seules des sommes considérables. Il restait donc à la politique d'indemniser l'État de ces sommes qu'on envoyait en Russie, et qui, sans les circonstances où l'on se trouvait, pouvaient s'employer d'une manière plus utile pour les provinces de la domination prussienne.

Il survint, l'année suivante, une stérilité générale dans tout le nord de l'Europe, causée par des gelées tardives qui firent périr toutes les productions de la terre : nouvelle misère à craindre pour le peuple, nouvelle nécessité de lui donner des secours. On donna aux pauvres du blé gratis; mais comme la consommation des denrées diminuait, il y eut dans les produits des accises une non-valeur de cinq cent mille écus. Le Roi avait formé de grands magasins d'abondance, tant en Silésie que dans ses pays héréditaires : soixante-seize mille winspels étaient amassés pour nourrir l'armée pendant douze mois; neuf mille winspels étaient à part, destinés uniquement aux besoins de la capitale. D'aussi sages arrangements préservèrent le peuple de la disette dont il était menacé : l'armée fut nourrie des magasins; le peuple en reçut également, outre les grains donnés à part pour fournir aux semailles. La récolte manqua encore l'année d'après; mais si le boisseau de seigle se vendait dans les États du Roi à deux écus et quelques gros, chez les voisins la misère était encore plus grande. En Saxe et en Bohême, le boisseau se vendait à cinq écus. La Saxe perdit plus de cent mille habitants que la famine détruisit, ou qui s'expatrièrent. La Bohême y perdit cent quatre-vingt mille âmes au moins; plus de vingt mille paysans bohémiens, et autant de Saxons, cherchèrent un asile contre la misère dans les États du Roi; ils furent reçus à bras ouverts, et furent employés à peupler les nouveaux établissements qu'on avait formés.