<39> pouvoirs entre de si proches voisins; et comme la cour de Vienne donnait suffisamment à connaître qu'elle voulait profiter des troubles présents pour s'agrandir, le Roi ne pouvait se dispenser de suivre son exemple et d'en faire autant. L'impératrice de Russie, irritée que d'autres troupes que les siennes osassent faire les maîtres en Pologne, dit au prince Henri que si la cour de Vienne voulait démembrer la Pologne, les autres voisins de ce royaume étaient en droit d'en faire autant.

Cette ouverture se fit à propos; car après avoir tout examiné, c'était l'unique moyen qui restât d'éviter de nouveaux troubles et de contenter tout le monde. La Russie pouvait s'indemniser de ce que lui avait coûté la guerre avec les Turcs, et au lieu de la Valachie et de la Moldavie, qu'elle ne pouvait posséder qu'après avoir remporté autant de victoires sur les Autrichiens que sur les Musulmans, elle n'avait qu'à choisir une province de la Pologne à sa bienséance, sans avoir de nouveaux risques à courir; on pouvait assigner à l'Impératrice-Reine une province limitrophe de la Hongrie, et au Roi ce morceau de la Prusse polonaise qui sépare ses États de la Prusse royale; et par ce nivellement politique, la balance des pouvoirs entre ces trois puissances demeurait à peu près la même. Néanmoins, pour s'assurer davantage de l'intention de la Russie, le comte de Solms fut chargé d'examiner si ces paroles échappées à l'Impératrice avaient quelque solidité, ou si elles avaient été proférées dans un moment d'humeur et d'emportement passager. Le comte de Solms trouva les sentiments partagés sur ce sujet. Le comte Panin, qui avait fait déclarer, au commencement des troubles de la Pologne, que la Russie maintiendrait l'indivisibilité de ce royaume, sentait de la répugnance pour ce démembrement; il promit néanmoins de ne s'y point opposer, si l'affaire passait au conseil. Mais l'Impératrice était flattée de l'idée qu'elle pourrait sans danger étendre les limites de son empire; ses favoris et quelques ministres qui s'en aperçurent, se rangèrent de son senti-