<36> que le Grand Seigneur ne s'adressât à la France pour implorer son secours. Cette seule réflexion pouvait déterminer la cour de Pétersbourg à ne pas refuser la médiation autrichienne, parce que l'éloignement qu'elle avait pour la cour de Vienne, n'approchait pas de l'aversion qu'elle avait pour la cour de Versailles. D'abord, les Russes répondirent qu'ils ne pouvaient accepter la médiation que leur offraient ces deux puissances, sous prétexte qu'ils avaient refusé celle des Anglais. Cependant, par politesse et par les bons offices des deux cours, ce qui, au nom près, revenait à la même chose, les Russes, qui craignaient d'être gênés par l'intervention d'autres puissances dans les projets qu'ils avaient arrangés pour la paix, tâchèrent d'entamer avec les Turcs une négociation directe par le canal du maréchal Romanzoff, qui pouvait traiter immédiatement avec le grand vizir. Cette tentative ne leur ayant pas réussi, ils consentirent aux propositions que leur avaient faites précédemment les cours de Berlin et de Vienne.

Le hasard fit qu'alors le prince Henri, frère du Roi, avait fait un tour à Stockholm pour rendre visite à la reine de Suède sa sœur. L'impératrice de Russie, qui, dans sa jeunesse, avait connu ce prince à Berlin, demanda qu'il eût la permission de se rendre à Pétersbourg; c'était une chose qu'on ne pouvait refuser honnêtement. Le prince passa donc en Russie, et avec l'esprit qu'il a, il gagna bientôt de l'ascendant sur celui de l'Impératrice, et lui persuada de s'ouvrir au Roi son frère. La lettre de l'Impératrice était accompagnée d'un long mémoire, lequel contenait les conditions de paix qui devaient servir de base à la négociation qu'on voulait entamer. Après un préambule qui annonçait la plus grande modération, l'Impératrice demandait aux Turcs la cession des deux Cabardies, Asow et son territoire, l'indépendance du kan de la Crimée, le séquestre pour vingt-cinq années de la Valachie et de la Moldavie pour l'indemniser des frais de la guerre, la libre navigation sur la mer Noire, une île dans l'Archipel