<161> il était maître de conserver la paix, et que sa modération lui ferait plus d'honneur que ne pourraient faire les plus brillantes conquêtes. Bientôt le courrier revint avec une autre lettre, dans laquelle l'Empereur voulut justifier ses droits. Elle fut réfutée par des arguments tirés du droit féodal, des pactes de famille, et du traité de Westphalie. Enfin, un troisième courrier succéda aux précédents : l'Empereur, faisant semblant de se relâcher, proposait une négociation qui fût confiée au comte de Cobenzl, ministre de Vienne à Berlin. Le Roi comprit bien que l'Empereur voulait gagner du temps pour assembler toutes ses troupes en Bohême, pour fortifier tous les postes qu'il prétendait occuper, et pour ramasser les chevaux d'artillerie, de bagage et de vivres qui manquaient encore à son armée; mais comme il importait de montrer de la modération dans cette affaire pour ne point choquer la France et la Russie, le Roi consentit à cette négociation, quoiqu'il fût facile de prévoir quelle en serait l'issue. Les Autrichiens étalèrent toutes leurs mauvaises preuves, qui furent réfutées d'une façon victorieuse par les ministres prussiens, sans que la cour de Vienne voulût se désister le moins du monde de ses usurpations. Enfin, pour terminer cette plaidoirie infructueuse, l'on déclara, pour l'ultimatum, que si les Autrichiens ne consentaient pas à restituer la plus grande partie de la Bavière à l'Électeur palatin, on prendrait ce refus pour une déclaration de guerre. C'était ce que désirait l'Empereur : il aspirait à se rendre indépendant de l'Impératrice sa mère par le commandement des armées et par l'éclat qu'il espérait d'obtenir par ses succès; toutefois il a paru, par la suite des événements, que ses combinaisons n'étaient ni justes ni exactes. Il était haï de la noblesse, laquelle l'accusait d'avoir le dessein de la rabaisser; il était craint des ecclésiastiques, plus attachés aux richesses qu'à la religion qu'ils professent, qui appréhendaient d'être dépouillés de leurs revenus considérables; et l'armée ne l'aimait point. Il s'était aliéné le cœur des officiers et des soldats par sa trop grande vivacité et ses emportements, qui