<106> Dès lors l'armée prit une autre face, et l'on pouvait s'assurer sans se tromper que si l'armée était menée à la guerre, on pouvait avoir toute confiance en elle.

Pour parvenir à ce degré de perfection si intéressant pour le bien de l'État, on avait purgé le corps des officiers de tout ce qui tenait à la roture : ces sortes de sujets furent placés dans des régiments de garnison, où ils valaient au moins autant que ceux auxquels ils succédaient, qui, étant trop infirmes pour servir, furent mis à pension; et comme le pays même ne fournissait pas le nombre de gentilshommes que demandait l'armée, on engagea des étrangers, de la Saxe, du Mecklenbourg, ou de l'Empire, parmi lesquels il se rencontrait quelques bons sujets. Il est plus nécessaire que l'on ne croit de porter cette attention au choix des officiers, parce que d'ordinaire la noblesse a de l'honneur. Il ne faut pas disconvenir que quelquefois, mais rarement, on rencontre du mérite et du talent chez des personnes sans naissance; mais cela est rare. S'il s'en trouve, on fait bien de les conserver. Mais, en général, il ne reste de ressource à la noblesse que de se distinguer par l'épée; si elle perd son honneur, elle ne trouve pas même de refuge dans la maison paternelle; au lieu qu'un roturier, après avoir commis des bassesses infâmes, reprend sans rougir le métier de son père, et ne s'en croit pas plus déshonoré.

Un officier a besoin de bien des connaissances diverses; mais une des principales est celle de la fortification. Y a-t-il des siéges? cela lui donne occasion de se distinguer; est-il dans une ville assiégée? il peut rendre de bons services; faut-il fortifier un camp? on se sert de son intelligence; y a-t-il quelque pointa à fortifier dans les postes avancés de la chaîne des quartiers d'hiver? on l'emploie, et pour peu qu'il ait de génie, il trouve cent occasions pour se distinguer. Afin que les officiers ne manquassent point d'instruction dans une partie du génie aussi utile, le Roi avait adjoint à chaque inspection un offi-


a Nous avons remplacé par le mot point les mots poste avancé que porte l'autographe.