<46> du Roi, qui lui donneraient des éclaircissements sur ses desseins. Il n'y trouva qu'un créditif, dont l'émissaire n'axait pas trouvé l'occasion de faire usage. Honteux de cette découverte stérile, ce ministre en fut pour ses mauvais procédés; il fit relâcher M. d'Edelsheim le lendemain, avec ordre de prendre la route de Turin pour sortir du royaume. Peut-être trouvera-t-on que nous avons détaillé ce fait trop amplement. Sa singularité nous y a porté en partie, mais surtout la manière dont il caractérise la façon de penser que la cour de Versailles avait alors; quand on observe avec quelle précaution elle évitait de donner des soupçons à la cour de Vienne, on se persuadera facilement de l'espèce d'assujettissement où la tenaient les Autrichiens.

Les tentatives que le Roi fit à Pétersbourg n'eurent pas un meilleur succès. On y employa un gentilhomme holsteinois,a qui n'eut pas même occasion d'expliquer de quoi il était chargé. Il fut cependant plus doucement renvoyé par les Russes que M. d'Edelsheim ne l'avait été par les Français. L'esprit de l'impératrice Élisabeth était trop rempli de préjugés et trop aigri contre le Roi pour qu'on pût la désabuser facilement sur son sujet. Elle était gouvernée par son favori, qui l'était par la cour de Vienne. Tous ses entours étaient à la dévotion de la France et de l'Autriche. Cette princesse, flattée d'ailleurs par l'acquisition du royaume de Prusse, qu'elle envisageait comme annexé à la Russie, aurait cru perdre tous ses avantages, si elle était entrée dans la moindre négociation avec le Roi; aussi trouva-t-on tous les canaux bouchés pour les insinuations qu'on aurait voulu lui faire parvenir.


a Le Roi veut parler de M. de Pechlin à Kiel, ci-devant colonel au service du duc de Holstein qui devint grand-duc de Russie en 1742. Il avait été recommandé à Frédéric par le baron de Rangstädt, envoyé russe au cercle de la Basse-Saxe. Les instructions données au colonel J.-B. de Pechlin pour ce voyage à Saint-Pétersbourg sont datées du 6 mars 1760. Au mois de décembre de la même année, le Roi envoya en Russie le conseiller Badenhaupt, pour tâcher de gagner Iwan Schuwaloff, le favori de l'Impératrice. Les Russes l'arrêtèrent à Mitau.