<34> Il voulut éprouver la contenance des Prussiens; il vit l'armée en bataille, bien postée, et bien disposée à le recevoir s'il avait voulu en venir aux mains avec elle. Cette reconnaissance donna lieu à une canonnade assez vive, après laquelle les Autrichiens retournèrent dans leur camp. Le Roi se rendit quelque temps après à Freyberg, où il mena un renfort à M. de Hülsen, et il y prit des arrangements pour la sûreté des troupes. Il y trouva une bonne position pour le corps qui devait y rester. La Mulde, qui coule entre des rochers escarpés, en couvre le front. Il n'y a que trois passages sur cette rivière; ce sont des ponts de pierre, derrière lesquels on établit de gros postes d'infanterie, et pour multiplier les difficultés, on chargea ces ponts de fagots, en y laissant un passage pour qu'un homme à cheval pût y passer pour aller à la découverte; d'ailleurs, ces fagots étaient mêlés de matières combustibles, pour qu'on pût les enflammer aussitôt que l'ennemi aurait paru, de sorte qu'il était impossible de les passer.

Les Autrichiens, enflés de leurs avantages, commençaient à se croire invincibles. M. de Maguire, qui commandait à Dippoldiswalda, vint avec seize mille hommes, bagage et tout ce qui suit une troupe qui, en temps de paix, change de garnison, pour s'établir à Freyberg; il crut que les Prussiens n'attendraient pas sa présence, mais qu'ils se retireraient d'abord. Sa supposition était fondée sur quelques ostentations que M. de Beck avait commission de faire du côté de Torgau; mais le Roi y avait pourvu : il avait déjà envoyé des troupes pour la défense de la ville. D'ailleurs, cette démonstration ne pouvait guère causer d'inquiétudes, parce que M. de Beck faisait des mouvements à la rive droite de l'Elbe, que Torgau est situé à la gauche, et par conséquent ne saurait être pris qu'en l'assiégeant de ce côté-là. M. de Maguire en fut pour sa marche; il trouva les Prussiens en bataille, qui bordaient la Mulde; il essuya quelques volées de canon, et il retourna à Dippoldiswalda, où il établit son quartier.