<244> guérir l'esprit de ce prince de la méfiance qu'il nourrissait contre les intentions sincères de la cour de Vienne. Pour achever de le convaincre tout à fait des bonnes dispositions où l'Impératrice se trouvait pour la paix, il lui communiqua une relation de Vienne que le sieur Saul,a émissaire à cette cour, venait d'envoyer au Prince électoral. Cette relation contenait des assurances que le comte Kaunitz avait données au sieur Saul du désir de l'Impératrice de terminer promptement cette guerre; mais il s'y rencontrait en même temps d'insignes mensonges. Le comte Kaunitz avait assuré l'émissaire qu'à deux reprises l'Impératrice-Reine avait offert la paix au roi de Prusse, la première fois par le canal de la France, et la seconde par celui de l'Angleterre; et que les refus du Roi justifiaient les mesures que la Reine se trouvait obligée de prendre pour la prolongation de la guerre. C'étaient là des faits notoirement faux et controuvés; car jamais il ne s'était fait d'ouverture au Roi de la part de la cour de Vienne, ni par la France, ni encore moins par l'Angleterre. Ce début paraissait de mauvais augure; car quelle espérance pouvait-on fonder sur une négociation qui s'entamait par des faussetés et des mensonges? Toutefois, comme les bagatelles nuisent souvent aux grandes choses, sans s'arrêter aux propos que le comte Kaunitz avait tenus à un émissaire saxon, il ne fallait qu'entrer dans l'examen des raisons que l'Impératrice pouvait avoir de faire la paix, pour se convaincre que leur solidité et leur grand poids devaient faire impression sur son esprit.

Cent mille Turcs sur les frontières de la Hongrie étaient un argument très-capable d'inspirer des sentiments pacifiques au conseil d'État le plus acharné à la guerre. Ajoutez à cette considération la défection des Russes et des Suédois, dont les premiers avaient même fait un bout de campagne avec les Prussiens; et quand même ce n'auraient pas été de nouveaux ennemis à appréhender, c'étaient tou-


a Voyez t. III, p. 95, 165, 184 et 237.