<145>verte à une certaine distance, de ne point faire jeter des boules de feu pour éclairer la campagne, enfin d'être trop négligent dans tous ses devoirs. Les Autrichiens s'avançaient pendant ce temps-là, et parvinrent jusqu'aux palissades avant d'être découverts. Pour toute défense, il n'y eut que douze coups de canon de tirés, et si peu de feu des petites armes, que les ennemis purent faire ce qui leur plut. La garde de la porte de Striegau fut surprise; de là ils pénétrèrent dans les ouvrages. Dans cette confusion, les prisonniers autrichiens levèrent le masque; ils s'emparèrent de la porte intérieure de la ville, et l'ouvrirent aux premières troupes des ennemis qui s'en approchèrent; enfin, en moins d'une heure, les Autrichiens se rendirent maîtres de toute la ville. M. de Béville, qui commandait dans la redoute de l'Eau, fut le seul qui tînt ferme jusqu'à ce que toutes les ressources fussent perdues, et qu'il ne lui restât plus de moyens pour se défendre. Le hasard fit qu'un magasin à poudre sauta dans le fort de Bogendorf, qui fit perdre quelque monde aux Autrichiens; sans quoi la prise de cette ville ne leur aurait rien coûté.

Un malheur aussi imprévu dérangea toutes les mesures du Roi; il fallut abandonner ses projets, changer de plan, et ne plus penser pour le reste de la campagne qu'à conserver ce qu'on pouvait maintenir de forteresses et de pays contre la grande supériorité des ennemis. L'armée marcha à Strehlen, où elle s'établit à demeure, afin de couvrir également Neisse, Brieg, et Breslau. Le Roi avait, par précaution, fait retrancher un camp auprès de Breslau. L'intention première avait été de s'en servir pour les détachements qui s'approchaient souvent de cette capitale, et où ils auraient pu se soutenir contre l'ennemi jusqu'à l'arrivée de l'armée du Roi. Dans les circonstances où l'on se trouvait alors, l'armée aurait pu s'en servir elle-même : les Prussiens avaient une marche de moins pour y arriver que l'ennemi. Dès lors le Roi se trouvait restreint à une défensive rigoureuse; mais il ne fallait pas que M. Loudon pût s'en douter, parce que ce secret, connu,