<47>

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

I. TRAITÉ DE PARTAGE ÉVENTUEL, DU 18 MAI 1745.

L'expérience n'ayant que trop fait connaître à quel point le roi de Prusse pousse ses mauvaises intentions pour troubler le repos de ses voisins, et ce prince ayant d'un côté et réitérativement envahi et dévasté les États de Sa Majesté la reine de Hongrie et de Bohême, et inquiété de l'autre Sa Majesté le roi de Pologne, électeur de Saxe, par plusieurs menaces, préparatifs de guerre et passages violents, sans qu'on en ait pu obtenir la satisfaction due pour le passé, ni sûreté suffisante pour l'avenir, il a été considéré que ce double but ne saurait être obtenu, tant que ledit voisin redoutable ne sera resserré dans des bornes étroites. C'est pourquoi Sa Majesté le roi de Pologne, électeur de Saxe, comme allié auxiliaire, et Sa Majesté la reine de Hongrie et de Bohême, comme partie attaquée et belligérante, sont convenus, par le présent acte séparé et secret, d'employer leurs efforts communs, non seulement à pleinement remplir l'acte passé entre Leurs Majestés le 6/13 mai 1744, et les mesures concertées sur les engagements pris par leur traité d'alliance, conclu le 8 janvier 1745<48> avec les puissances maritimes, mais encore de ne pas poser ni l'une ni l'autre bas les armes que, outre la conquête de toute la Silésie et de la comté de Glatz, on n'ait encore plus étroitement réduit le roi de Prusse.

Et pour qu'on soit entendu ensemble d'avance sur le partage des conquêtes à faire, pendant que le huitième article dudit traité de Varsovie n'établit qu'en gros que Sa Majesté le roi de Pologne, électeur de Saxe, doit participer aux avantages par des convenances, il a paru nécessaire de distinguer les cas qui pourraient arriver dans la suite, et de s'entendre sur un chacun d'iceux.

Supposé donc que, outre la réacquisition de toute la Silésie et de la comté de Glatz, on parvînt à conquérir sur ledit roi le duché de Magdebourg, le cercle de Saal y compris, la principauté de Crossen avec le cercle de Züllichau y appartenant, et les fiels de Bohême possédés par ce roi et situés dans la Lusace, nommément Cottbus, Peitz, Storkow, Beeskow, Sommerfeld et d'autres endroits et districts qui y appartiennent : en ce cas, toute la Silésie et la comté de Glatz, à Schwiebus près, devront revenir à Sa Majesté la reine de Hongrie et de Bohême, laquelle cède en échange tout le reste qu'on vient d'énoncer, avec le district de Schwiebus appartenant d'ailleurs à la Silésie, à Sa Majesté le roi de Pologne, électeur de Saxe.

Supposé au contraire que, outre la réacquisition de toute la Silésie et de la comté de Glatz, on ne parvînt à conquérir sur l'agresseur que le cercle de Saal, la principauté de Crossen avec le cercle de Züllichau et les susnommés fiefs de Bohême lui appartenant en Lusace : alors Sa Majesté Polonaise, électeur de Saxe, se contentera de ce dernier partage et du district de Schwiebus, en laissant pareillement à Sa Majesté la reine de Hongrie et de Bohême toute la Silésie et la comté de Glatz, à Schwiebus près.

Mais supposé enfin que, contre toute attente et nonobstant les efforts communs susdits, on ne parvînt qu'à conquérir, outre la comté<49> de Glatz, toute la Silésie, de même que la principauté de Crossen avec le cercle de Züllichau et les susdits fiefs de Bohême possédés par ledit roi en Lusace : en ce cas, Sa Majesté Polonaise aura, outre la principauté, le cercle et les fiefs qu'on vient de nommer, le district de Schwiebus, appartenant autrement à la Silésie.

Et pour que Sa Majesté le roi de Pologne, électeur de Saxe, soit d'autant plus assuré, du moins et pour le pis aller, de ces dernières acquisitions, Sa Majesté la reine de Hongrie et de Bohême s'engage de la manière la plus forte et la plus solennelle, que Sa Majesté le roi de Pologne, électeur de Saxe, doit avoir précisément les mêmes sûretés pour ces nouvelles acquisitions qu'elle aura ou pourra avoir pour la réacquisition de ses anciens États patrimoniaux, c'est-à-dire, la Silésie et la comté de Glatz; de sorte que tout doit aller à pas égaux, et qu'elle ne saurait se prévaloir plus tôt de la possession de toute la Silésie, que lorsque Sa Majesté le roi de Pologne se trouvera pareillement dans la possession de sa quote-part aux conquêtes. A cette fin, les troupes saxonnes de Sa Majesté Polonaise resteront dans la Silésie reconquise jusqu'à ce que sa quote-part sera effectuée, du moins selon le dernier des cas ci-dessus énoncés. Après quoi, les hauts contractants se garantiront réciproquement, pour eux et pour leurs héritiers et successeurs à perpétuité, tout ce qu'à l'un et à l'autre sera tombé en partage, en tâchant d'en obtenir aussi la garantie de leurs alliés.

En foi de quoi, Leurs Majestés ont signé, chacune de propre main, un exemplaire de la même teneur de cet acte séparé et secret, pour être échangé l'un contre l'autre, et y ont fait apposer leurs sceaux royaux.

Fait à Leipzig, ce 18 mai 1745.

(L. S.)Auguste, Roi.

<50>

II. TRADUCTION DU QUATRIÈME ARTICLE SÉPARÉ ET SECRET DU TRAITÉ DE PÉTERSBOURG, DU 22 MAI50-a 1746.

Sa Majesté l'Impératrice, reine de Hongrie et de Bohême, déclare qu'elle observera religieusement et de bonne foi le traité de paix conclu entre elle et Sa Majesté le roi de Prusse à Dresde, le 25 décembre 1745, et qu'elle ne sera point la première à se départir de la renonciation qu'elle a faite de ses droits sur la partie cédée du duché de Silésie et de la comté de Glatz.

Mais si, contre toute attente et les vœux communs, le roi de Prusse fût le premier à s'écarter de cette paix en attaquant hostilement, soit Sa Majesté l'Impératrice, reine de Hongrie et de Bohême, ou ses héritiers et successeurs, soit Sa Majesté l'impératrice de Russie, ou bien la république de Pologne, dans tous lesquels cas les droits de Sa Majesté l'Impératrice, reine de Hongrie et de Bohême, sur la partie cédée de la Silésie et la comté de Glatz, par conséquent aussi les garanties renouvelées dans le second et troisième article de la part de Sa Majesté l'impératrice de Russie, auraient de nouveau lieu et reprendraient leur plénier effet : les deux hautes parties contractantes sont convenues expressément que, dans ce cas inespéré, mais pas plus tôt, ladite garantie sera remplie entièrement et sans perte de temps, et elles se promettent solennellement que, pour détourner le danger commun d'une pareille agression hostile, elles uniront leurs conseils; qu'elles enjoindront la même confidence réciproque à leurs ministres dans les cours étrangères; qu'elles se communiqueront confidemment ce que, de part ou d'autre, on pourrait apprendre des desseins de l'en<51>nemi; et enfin Sa Majesté l'Impératrice, reine de Hongrie et de Bohême, tiendra prêt en Bohême, en Moravie et les comtés adjacentes de Hongrie, un corps de vingt mille hommes d'infanterie et de dix mille hommes de cavalerie; et que Sa Majesté l'impératrice de Russie tiendra prêt un corps pareil en Livonie, Esthonie et autres provinces voisines; de façon qu'en cas d'une attaque hostile de la part de la Prusse, soit contre l'une, soit contre l'autre partie, ces trente mille hommes pourront et devront aller au secours de la partie attaquée en deux ou tout au plus tard en trois mois, à compter du jour de la réquisition faite.

Mais, comme il est facile à prévoir que soixante mille hommes ne suffiront pas pour détourner une pareille attaque, pour recouvrer les provinces cédées par la paix de Dresde, et pour assurer en même temps la tranquillité générale pour l'avenir, les deux parties contractantes se sont en outre engagées d'employer pour cet effet, le cas existant, non seulement trente mille hommes, mais même le double, savoir : soixante mille hommes de chaque côté; et d'assembler ce corps avec autant de célérité que la distance des provinces les moins éloignées le permettra. Les troupes de Sa Majesté Impériale de toutes les Russies seront employées par mer ou par terre, selon ce qui sera trouvé le plus convenable; mais celles de l'Impératrice, reine de Hongrie et de Bohême, ne seront employées que sur terre. Chaque partie commencera à faire du côté de ses propres États une diversion dans ceux du roi de Prusse; mais ensuite on tâchera de se joindre et de poursuivre les opérations conjointement : mais avant que cette jonction se fasse, il se trouvera un général de part et d'autre dans les deux armées respectives, tant pour concerter les opérations, que pour en être témoin oculaire, et pour se communiquer par ce canal les avis qu'on aura à se donner.

Sa Majesté l'impératrice de Russie, en promettant un si puissant secours à Sa Majesté l'Impératrice, reine de Hongrie et de Bohême,<52> n'a aucun dessein de faire des conquêtes à cette occasion; mais comme elle veut bien faire agir son corps de soixante mille hommes, tant par mer que par terre, et que l'équipement d'une flotte causerait des dépenses considérables, de sorte qu'en partageant ainsi les forces de l'ennemi, on aurait lieu de regarder le corps russien comme fort excédant le nombre de soixante mille hommes, Sa Majesté l'Impératrice, reine de Hongrie et de Bohême, s'engage et promet que, pour témoigner d'autant plus efficacement sa reconnaissance, elle payera à Sa Majesté l'impératrice de Russie la somme de deux millions de florins du Rhin dans un an, à compter du jour qu'elle aura la Silésie en son pouvoir, sans pouvoir en décourter quelque chose, sous titre de ce qu'on aura tiré du pays ennemi.

Ce quatrième article séparé et secret aura la même force que s'il était inséré mot pour mot au corps du traité défensif, et doit être ratifié en même temps. En foi de quoi, les ministres susmentionnés y ont apposé leur signature et cachet.

Fait à Saint-Pétersbourg, le 22 mai 1746.

(L. S.)Alexei comte Bestusheff-
Riumin
.

(L. S.)Jean-François de
Pretlack
.

(L. S.)Nicolas-Sébastien noble
de Hohenholtz
.

III. RÉSOLUTIONS ET INSTRUCTIONS POUR LE COMTE DE VICEDOM ET LE SIEUR DE PEZOLD, A SAINT-PÉTERSBOURG.

Rapport circonstancié ayant été dûment fait au Roi du contenu des dernières dépêches du 18, 19 et 23 d'avril, de son conseiller privé et<53> ministre plénipotentiaire à la cour impériale de Russie, le comte de Vicedom, et de son résident à la même cour, le conseiller privé d'ambassade sieur de Pezold, apportées ici de Pétersbourg par le courrier Consoli le 6 du courant, et Sa Majesté y ayant surtout pris en considération l'affaire d'accession que lui demandent avec instance les deux cours impériales à leur nouveau traité d'alliance défensive, et à ses articles séparés et secrets signés à Pétersbourg le 22 mai 1746, et ratifiés ensuite de part et d'autre, Sa Majesté a trouvé bon de faire pourvoir là-dessus ses susdits deux ministres en Russie des points de résolution et d'instruction suivants, qui leur doivent servir de règle pour y diriger leur négociation et conduite dans cette affaire aussi importante que délicate.

I.

Sur ce que le grand chancelier de Russie leur a fait connaître, et l'a fait témoigner aussi par son frère le grand maréchal ici, que les deux cours impériales seraient bien aises que l'affaire de l'accession du Roi se traitât et conclût préférablement à Pétersbourg, comme à l'endroit où le traité d'alliance défensive renouvelé entre elles, dont il s'agit, a été négocié, conclu et signé, Sa Majesté, pour y complaire, fait pourvoir à cet effet le comte de Vicedom et sieur de Pezold du ci-joint plein pouvoir avec la clause de samt und sonders, afin qu'en cas d'absence, d'indisposition ou d'autre empêchement de l'un, l'autre puisse continuer la négociation, en communiquant néanmoins ensemble et agissant dans un parfait concert.

II.

Ils feront valoir cet empressement du Roi auprès du grand chancelier et de l'ambassadeur Pretlack comme une preuve certaine du penchant d'attachement sincère de Sa Majesté pour les deux Impératrices, préférablement à toutes autres considérations qui pourraient l'engager à aller plus bride en main dans une affaire de cette étendue et conséquence.

<54>

III.

Le résident Pezold connaissant le mieux ce qui s'est passé il y a près de deux ans entre les deux cours, lorsque le Roi se trouva dans le cas de nécessité de réclamer le secours de la Russie, en vertu de leur traité d'alliance défensive renouvelé contre le roi de Prusse, et ledit résident ayant été témoin oculaire de l'indifférence, lenteur, et insuffisance avec lesquelles on répondit à la cour de Pétersbourg aux réquisitions réitérées de Sa Majesté, procédé auquel la Saxe doit principalement attribuer ses derniers malheurs, il fera bien d'en faire souvenir en particulier le grand chancelier, comte de Bestusheff, non pas tant sur le pied de reproches à lui en faire, mais plutôt sur un pied de réflexions confidentes, et pour le faire convenir que c'est une résolution bien généreuse du Roi de se prêter si promptement aux désirs des deux cours impériales, et qu'après ce qui lui est arrivé en dernier lieu avec celle de Russie, il n'y a que la grande confiance que Sa Majesté met en lui, grand chancelier, et dans son présent crédit et pouvoir, qui ait pu la déterminer si tôt pour l'accession, dans l'espérance que ce ministre principal songera à réparer le passé, en prenant de loin si bien ses mesures, pour qu'à l'avenir le Roi soit, en cas de besoin, non seulement secouru à temps et suffisamment, mais qu'aussi Sa Majesté, dans les occasions d'une assistance réciproque, trouve son compte, dédommagement et avantage réel.

IV.

Quant au traité principal des deux cours impériales, le Roi est tout disposé d'y accéder, sans autre restriction que celle du nombre des troupes qu'elles s'y sont stipulées réciproquement pour les cas ordinaires d'un secours à prêter; et il est nécessaire que les plénipotentiaires de Sa Majesté proposent et insistent à ce que son assistance soit réglée dans l'acte d'accession sur le double du secours promis de l'électorat de Saxe, d'autant plus que la cour de Vienne envoie au Roi et

<55>entretient à ses propres frais, dans tous les cas, les secours réciproques de six et douze mille hommes.

V.

Après que le comte de Vicedom et le sieur de Pezold en seront d'accord avec les ministres des deux cours contractantes, ils procéderont aussi à traiter sur l'accession du Roi aux six articles séparés, dont cinq sont secrets, et qui demandent beaucoup plus de réflexions et d'ajustement pour les convenances du Roi.

VI.

Comme cependant Sa Majesté, par inclination et zèle pour l'intérêt commun et pour le bien public, n'est pas éloignée de s'y joindre aussi au possible et à proportion de ses forces, ses plénipotentiaires prendront un soin particulier à s'expliquer là-dessus plus spécialement avec ceux des deux cours impériales, afin que leurs demandes et la condescendance du Roi à chaque article soient combinées aux intérêts de Sa Majesté.

VII.

Y ayant parmi les articles des points d'engagements qui ne regardent proprement que les deux cours impériales principalement contractantes, ils tâcheront d'obtenir que le Roi en soit dispensé, ou qu'ils soient tempérés pour Sa Majesté; comme aussi que toute guerre future en Italie soit exceptée, ainsi qu'elle l'est déjà dans le traité avec la cour de Vienne.

VIII.

Le premier et le quatrième des articles secrets étant les plus difficiles et onéreux si le Roi y accède dans leur sens et étendue, les deux cours impériales ne sauraient trouver à redire que Sa Majesté demande, outre plus de proportion dans les engagements qu'ils renferment, des conditions et avantages réciproques.

IX.

A l'égard du premier article secret, qui concerne la garantie des<56> possessions du grand-duc de Russie, comme duc de Holstein-Schleswig et de sa maison ducale, l'impératrice de Russie voudra bien considérer les grands ménagements que le Roi a à garder pour la cour de Danemark, à cause de son parentage et droit de succession éventuelle, et ainsi ladite souveraine, aussi bien que l'Impératrice-Reine et l'Empereur son époux même, ne refuseront pas en échange au Roi et à sa postérité, la garantie de la succession due avec le temps à un prince de la maison électorale de Saxe sur le trône de Danemark.

X.

Pour ce qui est enfin du quatrième article secret, qui regarde des mesures éventuelles et plus fortes contre une nouvelle attaque soudaine et inopinée du roi de Prusse, le Roi reconnaît en cela la sage prévoyance des deux Impératrices, en songeant de loin à se concerter et s'entr'aider avec force, si contre meilleure attente et malgré la plus scrupuleuse attention de leur part pour l'observation de leurs traités avec ledit prince, celui-ci se portait à envahir les États de l'une ou de l'autre, et le Roi est assez porté à concourir en ce cas aux mêmes mesures; mais comme il est le plus exposé au ressentiment d'un voisin si redoutable et inquiet, témoin la triste expérience que Sa Majesté en a eue en dernier lieu, Leurs Majestés Impériales ne pourront pas trouver étrange que le Roi, avant d'entrer dans un pareil engagement nouveau, éventuel et étendu, prenne mieux ses précautions, tant pour sa sûreté et défense mutuelle, que pour en être dédommagé et récompensé à proportion de ses efforts et des progrès contre un tel agresseur.

XI.

A cette fin, le comte de Vicedom et le sieur de Pezold demanderont aux ministres plénipotentiaires impériaux :

1o Quel nombre de troupes leurs souveraines désirent, pour tel cas, du Roi, et lui offrent en échange pour l'assister de part et d'autre?

<57>2o Et que ce secours désiré du Roi ne soit pas disproportionné aux forces de son armée.

3o Que les deux cours impériales en promettent le double au Roi.

4o Que les deux Impératrices s'engagent à tenir chacune, pour le moins, un tel corps de leurs troupes en état mobile et prêt à marcher au secours de Sa Majesté, d'un côté sur les frontières de Prusse, et de l'autre en Bohême.

5o Qu'elles s'obligent à faire participer le Roi des prisonniers, dépouilles et conquêtes qu'elles feront, ensemble ou séparément, sur l'agresseur et par là ennemi commun.

XII.

Par rapport à ce dernier point et partage de conquêtes à faire, les ministres plénipotentiaires du Roi auront à demander au ministre de Russie les offres de sa souveraine, et à déclarer relativement à l'Impératrice, reine de Hongrie et de Bohême, qu'en tout cas et si cette princesse, de nouveau attaquée par le roi de Prusse, parvenait à reconquérir non seulement la Silésie et la comté de Glatz, mais aussi à resserrer cet agresseur dans des bornes plus étroites, le roi de Pologne, comme électeur de Saxe, s'en tiendrait au partage stipulé entre elle et Sa Majesté par la convention signée à Leipzig le 18 mai 1745, dont le résident Pezold a reçu la copie par une lettre ministériale du 14 novembre de la même année; excepté le troisième degré de partage y défini, dont Sa Majesté ne saurait se contenter, puisqu'en cas que l'Impératrice-Reine ne pût parvenir qu'à conquérir, outre la comté de Glatz, toute la Silésie, de même que la principauté de Crossen, avec le cercle de Züllichau et les fiefs de Bohême possédés par le roi de Prusse en Lusace, il faudrait accorder éventuellement au Roi, électeur de Saxe, une part plus considérable à ces conquêtes que ladite principauté, le cercle et les fiefs; sur quoi, Sa Majesté attendra les offres de la cour de Vienne, et y fera négocier par le comte de Loss, souhaitant seulement que celle de Russie s'emploie à faire<58> obtenir pour ce cas de l'Impératrice-Reine un meilleur partage au Roi, et en assure et garantisse ensuite à celui-ci l'acquisition.

XIII.

Sur ce que dessus, le comte de Vicedom et le sieur de Pezold prendront tout ad referendum, et ne concluront rien avant que, sur leurs rapports, ils y soient autorisés par des ordres et résolutions finales du Roi.

XIV.

Le reste est remis à leur prudence, dextérité, et zèle pour le service et les intérêts et la gloire de Sa Majesté, qui les assure de sa protection et de ses bonnes grâces, lorsqu'ils s'appliqueront à remplir, avec toute l'exactitude dont ils sont capables, les points de cette instruction.

Écrit à Dresde, ce 23 mai 1747.

(L. S.)Auguste, Roi.
Comte de Br.
de Walther.

IV. TRADUCTION DU MÉMOIRE PRÉSENTÉ PAR LES MINISTRES DE SAXE A PÉTERSBOURG, LE 14/25 SEPTEMBRE 1747.

Dans la conférence tenue avec nous soussignés le 8 et 19 du courant, nous avons à la vérité déjà produit nos pleins pouvoirs, aussi bien que les déclarations et conditions sous lesquelles Sa Majesté le roi de Pologne, notre très-gracieux maître, comme électeur de Saxe est prêt d'accéder au traité d'alliance défensive conclu entre les deux<59> cours impériales à Pétersbourg le 22 mai 1746, aussi bien qu'aux articles secrets et séparés du même traité, selon les ordres et instructions que nous avons reçus là-dessus. Mais comme Leurs Excellences Messieurs les Ministres des deux cours impériales autorisés pour conférer avec nous, ont souhaité de recevoir de nous quelque chose par écrit, nous n'avons pas voulu manquer de récapituler ce qui suit :

I.

Sa Majesté Polonaise reconnaît, avec autant de gratitude que d'empressement, l'amitié que les deux cours impériales ont voulu lui témoigner, en lui faisant communiquer ledit traité avec les articles séparés et secrets, et en la faisant inviter d'y accéder; mais elle se flatte, en même temps, qu'ayant tant de raisons importantes de s'abstenir dans la crise présente de tous nouveaux engagements, les deux hautes parties contractantes regarderont la facilité que Sa Majesté témoigne dans cette occasion, comme une nouvelle marque de son amitié sincère et de sa parfaite confiance, et qu'elles en seront d'autant plus portées à régler ladite accession sur un pied que Sa Majesté soit non seulement secourue sans perte de temps et suffisamment dans le cas existant, mais qu'elle puisse aussi jouir d'un dédommagement convenable et d'avantages réels pour sa concurrence réciproque et réelle.

II.

Dans cette confiance, Sa Majesté est prête d'accéder purement au corps du traité, en y ajoutant la seule restriction que, en retour du nombre de troupes auxiliaires que Sa Majesté, comme électeur de Saxe, s'obligera de fournir, les deux cours impériales lui stipulent le double, selon l'exemple des engagements qui subsistent déjà entre elle et Sa Majesté l'Impératrice, reine de Hongrie et de Bohème. Pour ce qui regarde le nombre même des troupes auxiliaires à fournir par notre cour, nous avons ordre d'attendre là-dessus les premières ouvertures des deux hautes parties contractantes. Cependant nous<60> croyons, vu que le secours qu'on aurait à se fournir dans les cas ordinaires sur lesquels roule le corps du traité, est déjà déterminé par les traités que Sa Majesté a déjà avec les deux cours, qu'on pourrait s'y tenir aussi dans la présente accession, et se contenter de faire servir celle-ci à la confirmation des engagements précédents.

III.

Les circonstances étant fort différentes à l'égard des articles séparés et secrets, dont le premier et le quatrième méritent surtout une attention beaucoup plus sérieuse, nous sommes instruits, par rapport au premier article, qui regarde la garantie des possessions présentes de Son Altesse Impériale le grand-duc de Russie comme duc de Holstein-Schleswig en Allemagne, de représenter les grands ménagements que Sa Majesté est obligée de garder envers la cour de Danemark, en considération des liens du sang et de la succession éventuelle qui lui compète, et de proposer par cette raison qu'en retour de ladite garantie dont Sa Majesté doit se charger, on lui accorde la garantie des deux hautes parties contractantes, aussi bien que de l'Empereur, sur le susmentionné droit de succession éventuelle au trône de Danemark, et qu'on reconnaisse en attendant ce droit.

IV.

Quant au quatrième article, Sa Majesté approuve parfaitement les mesures sages et efficaces que les cours impériales ont prises éventuellement pour le cas que Sa Majesté le roi de Prusse, malgré l'exacte observation de la paix conclue avec elle, vînt à attaquer de nouveau hostilement les États de l'une ou de l'autre partie, et elle est prête d'y concourir. Mais comme Sa Majesté a encore plus de raisons que les deux cours impériales d'y penser mûrement, et qu'elle doit surtout considérer que, selon la triste expérience qu'elle en a eue en dernier lieu, le roi de Prusse a pris le secours qu'elle était obligée de fournir à Sa Majesté l'Impératrice, reine de Hongrie et de Bohême, pour prétexte de lui déclarer la guerre; qu'en outre l'électorat de Saxe par sa<61> situation est si fort exposé à son ressentiment, que, si elle n'était pas secourue sur-le-champ, il ne lui serait pas possible de se garantir par ses propres forces contre les attaques subites qu'on a vu exécuter au roi de Prusse; et enfin que, si on ne pourvoit pas avant toute chose à la sûreté et à la conservation dudit électorat, les deux hautes parties contractantes souffriraient elles-mêmes un préjudice infini par la ruine de cet État : en conséquence de ces considérations, Sa Majesté se flatte que les deux hautes parties contractantes reconnaîtront elles-mêmes la nécessité et la justice des conditions et modifications que nous sommes chargés de proposer; savoir :

1o Que le nombre des troupes auxiliaires qu'on exigera de Sa Majesté ne soit pas disproportionné aux forces de son armée.

2o Que chacune des deux cours impériales promette le double à Sa Majesté, et si cela ne suffisait pas, une assistance encore plus forte.

3o Que les deux Impératrices s'engagent à tenir chacune, pour le moins, un tel corps de leurs troupes mobile et prêt à marcher au secours de Sa Majesté, d'un côté sur les frontières de Prusse, et de l'autre en Bohême.

4o Que ces corps de troupes fassent une diversion dans les pays les plus proches dès le moment que les États de Saxe seront attaqués, ou que la guerre sera déclarée contre ces États; et cela sans qu'on puisse exiger un concert préalable, malgré ce qui est statué à cet égard dans le corps du traité aussi bien que dans l'article secret.

5o Que, dans le cas qu'une des deux cours impériales fût attaquée, Sa Majesté ne soit pas obligée de commencer les opérations avant que la seconde cour impériale n'ait commencé effectivement à agir, pour détourner l'effet de la prépondérance de l'ennemi, ou que du moins le danger évident d'être écrasé tout d'un coup soit venu à cesser.

6o Qu'on fasse participer Sa Majesté, en conséquence de l'article dixième du traité, non seulement au butin et aux prisonniers, mais aussi aux conquêtes qu'on pourra faire sur l'ennemi.

<62>7o Et enfin que, comme Sa Majesté l'impératrice de Russie a déclaré, dans le quatrième article secret, que dans le cas d'un secours à prêter ou d'une diversion à faire, elle n'avait aucun dessein de faire de nouvelles conquêtes, et que par conséquent il lui sera indifférent de quelle façon Sa Majesté s'arrangera avec la cour de Vienne sur le partage éventuel et un dédommagement convenable, Sadite Majesté Impériale de Russie veuille bien approuver d'avance cette convention, et se charger de la garantie.

V.

Pour ce qui regarde l'article séparé et le second, troisième et cinquième article secret, l'accession de Sa Majesté à ces articles doit cesser par soi-même, d'un côté, parce que lesdits articles roulent sur des engagements qui ne regardent que les deux cours impériales, et d'un autre côté, parce qu'en n'ayant pas communiqué à Sa Majesté l'article secrétissime allégué dans le troisième article secret, elles ont donné par là à connaître elles-mêmes qu'on ne demande pas la concurrence du Roi pour ces engagements, et que pour le reste on veut s'en tenir à ce qui a été stipulé antérieurement dans les traités qui subsistent entre Sa Majesté et l'une aussi bien que l'autre des deux cours impériales. Mais comme, dans le troisième et cinquième article secret, on a encore répété l'exception du casus fœderis déjà établi dans le traité même à l'égard des guerres futures d'Italie, et qu'on y a ajouté que, de la part de l'Impératrice-Reine, la guerre présente avec la maison de Bourbon, et, de la part de Sa Majesté l'impératrice de Russie, une agression hostile de son empire du côté du nord, ne doivent pas être censées des cas qui puissent empêcher ce qui a été statué dans le quatrième article secret à l'égard d'une rupture de la part de la Prusse, ainsi les deux hautes parties contractantes ne refuseront pas de faire aussi comprendre Sa Majesté dans cette stipulation.

Au reste, le Roi ne doute pas que les deux cours impériales ne trouvent dans toute cette proposition autant de preuves de son équité,<63> de sa confiance, et de son amitié sincère, et elle se flatte d'autant plus de recevoir une réponse favorable, qu'elle a mérité, par les malheurs qu'elle a encourus pour la cause commune, qu'à l'avenir on pourvoie d'autant mieux à sa sûreté et à son dédommagement.

Nous soussignés attendons ladite déclaration et réponse, pour pouvoir aller outre dans l'affaire de l'accession.

Saint-Pétersbourg, le 14/25 septembre 1747.

Louis-Sigefroi comte Vitzthum
d'Eckstädt
.
Jean-Sigismond de Pezold.

V. DÉPÊCHE DU ROI DE POLOGNE AU COMTE DE LOSS A VIENNE.

Du 21 décembre 1747.



Monsieur le comte de Loss,

Vous vous souviendrez indubitablement de ce que, dès que les deux cours impériales de Vienne et de Pétersbourg m'ont fait inviter par les comtes d'Esterhazy et de Bestusheff d'accéder au traité d'alliance défensive renouvelé entre les deux Impératrices le 22 mai 1746, je vous ai fait donner information entière de l'instruction envoyée là-dessus à mes ministres plénipotentiaires à la cour de Russie, où on était convenu que l'affaire de mon accession serait traitée. Ce fut le 23 mai dernier que je vous en fis donner part, et sur ce que la cour où vous êtes tardait de vous communiquer le traité en question, j'ordonnai de vous en faire tenir au mois de juillet suivant une copie, de même que de tous les articles séparés et secrets qui m'avaient été<64> communiqués par les ministres impériaux ici, à l'occasion de leur invitation commune. Les miens à Pétersbourg, après avoir déclaré en gros mes dispositions favorables pour l'accession et produit leur plein pouvoir, se sont tenus toujours prêts à entrer en matière là-dessus avec les ministres autorisés pour cela par les deux Impératrices sans avoir pu y parvenir plus tôt que le 8/19, septembre dernier dans une conférence; et ayant été requis de donner leurs ouvertures par écrit, ils s'y sont encore prêtés moyennant un Pro Memoria signé le 14/25 septembre, dont je vous fais joindre ici une copie sub A.

Comme en attendant que les deux cours impériales y fassent réponse par leurs ministres à Pétersbourg, et avant que je me détermine finalement là-dessus pour mon acte d'accession, il m'importe de m'être entendu avec l'Impératrice - Reine sur le partage éventuel qui doit me revenir pour ma portion, en cas que cette princesse, de nouveau attaquée contre meilleure attente par le roi de Prusse, fasse, par le concours de mon assistance, des dépouilles et conquêtes sur lui, ainsi que cela se trouve expliqué plus en détail dans le douzième article de l'instruction susmentionnée, dont mes ministres à Pétersbourg furent munis le 23 mai anni currentis, je vous charge de cette négociation, et vous autorise par le présent ordre; et mon intention est que ma convention signée ci-devant à Leipzig, le 18 mai 1745, avec la reine de Hongrie, dont vous trouverez ci-joint sub B la copie, pouvant servir de partage éventuel à l'avenir, excepté le troisième degré, ou en cas que la cour de Vienne ne pût reconquérir, outre la comté de Glatz, que toute la Silésie avec la principauté de Crossen, le cercle de Züllichau et les fiefs de Bohême que le roi de Prusse possède en Lusace, vous demandiez pour moi à l'Impératrice-Reine une part plus considérable à ces conquêtes que ladite principauté, le cercle et les fiefs, et que vous insistiez à ce que cette princesse m'en fasse l'offre, pour que je puisse voir ensuite si ce serait de ma convenance d'y acquiescer. En faisant l'ouverture à l'Impératrice-Reine et à son ministère confident de ma demande à cet égard, vous leur en exposerez la justice, et l'équité qu'il y a qu'on m'ac<65>corde une portion un peu plus avantageuse, pour me dédommager et consoler du sort malheureux, et des pertes que j'ai essuyées à mon secours antérieurement prêté de toutes mes forces à Sa Majesté Impériale.

Sur les rapports que vous me ferez successivement des progrès de votre négociation, je vous ferai parvenir mes ordres ultérieurs, priant, en attendant, Dieu qu'il etc.

Écrit à Dresde, ce 21 décembre 1747.

Auguste, Roi.
Comte de Brühl.

Au ministre de conférence et d'État
comte de Loss à Vienne.

VI. EXTRAIT DE L'AVIS DU CONSEIL PRIVÉ DE SA MAJESTÉ POLONAISE, AU SUJET DE L'ACCESSION AU TRAITÉ DE PÉTERSBOURG, DONNÉ LE 15 AOUT 1747.

Nous sommes aussi du sentiment que le quatrième article secret va au delà des règles ordinaires, en ce qu'il y est déclaré que non seulement le cas d'une agression hostile de la part de Sa Majesté Prussienne contre Sa Majesté l'Impératrice-Reine, mais aussi le cas d'une pareille agression contre l'empire de Russie ou contre la république de Pologne doit être regardé comme une violation de la paix de Dresde, et doit mettre Sa Majesté l'Impératrice-Reine en droit de revendiquer le duché de Silésie et la comté de Glatz. Si Votre Majesté approuvait cette stipulation par son accession, nos appréhensions de Sa Majesté Prussienne augmenteraient beaucoup, et nous reconnaîtrions par là<66> le principe, que nous avons d'ailleurs toujours combattu : qu'une puissance auxiliaire doit être regardée sur le même pied que la puissance belligérante, etc.

VII. EXTRAIT DE L'AVIS DU CONSEIL PRIVÉ DE SA MAJESTÉ POLONAISE, DU 17 SEPTEMBRE 1748.

On a stipulé, dans l'article secret, qu'on regardera pour une violation de la paix de Dresde, non seulement le cas où le roi de Prusse attaquerait Sa Majesté l'Impératrice-Reine, mais aussi toute agression contre l'empire de Russie ou contre la république de Pologne.

Si Votre Majesté approuvait donc par son accession un principe si opposé aux règles ordinaires, le roi de Prusse, s'il venait à l'apprendre, pourrait lui imputer une violation de la paix de Dresde, etc.

VIII. EXTRAIT D'UNE APOSTILLE DU COMTE DE BRÜHL AU COMTE DE LOSS A PARIS, DE DRESDE, LE 12 JUIN 1747.66-a

Quant aux deux points mentionnés dans la lettre de Votre Excellence du 8 du courant, sur lesquels elle demande les ordres du Roi, je dois<67> lui dire au nom de Sa Majesté que, quoique la prétention de la déclaration qu'on exige soit un peu extraordinaire, le Roi permet cependant que Votre Excellence donne une déclaration pour assurer que le traité dont il s'agit ne contient rien de plus que ce qui est porté dans la copie allemande qu'on a communiquée, et que nous ne savons rien d'aucun article séparé ou secret; mais que supposé aussi qu'il en existât, qu'on nous les communiquât, et qu'on nous invitât à y accéder pareillement, la France pouvait être sûre que nous n'entrerions dans aucun engagement qui tendît à son offense, ou qui fût contraire en façon quelconque à ceux que nous avons avec cette couronne.

IX. DÉCLARATION DU COMTE DE LOSS AU MINISTÈRE DE FRANCE. 1747.

Le soussigné ambassadeur extraordinaire de Sa Majesté le roi de Pologne, électeur de Saxe, est autorisé de déclarer, au nom du roi son maître, que le traité entre la cour de Vienne et celle de Pétersbourg, auquel Sa Majesté a été invitée d'accéder, ne contient rien de plus que ce qui est porté dans la copie allemande, que l'ambassadeur susmentionné a eu l'honneur de remettre à M. le marquis de Puyzieulx, sans qu'aucun article séparé ou secret ait été communiqué au roi de Pologne de la part des cours susdites. A quoi il a ordre d'ajouter qu'au cas que cet article séparé ou secret existât, et qu'on invitât Sa Majesté Polonaise d'y accéder, qu'en ce cas, Sadite Majesté n'entrera en rien qui puisse tendre à offenser le Roi Très-Chrétien, ou qui<68> puisse être contraire en façon quelconque aux engagements qui subsistent entre le roi de Pologne et Sa Majesté Très-Chrétienne par le traité qui a été conclu entre eux le 21 d'avril 1746. En foi de quoi, j'ai signé cette déclaration, et y ai apposé le cachet de mes armes. Fait au camp de la Grande Commanderie, ce etc.

X. EXTRAIT DE L'INSTRUCTION DU GÉNÉRAL D'ARNIM POUR SA MISSION DE PÉTERSBOURG, DATÉE LE 19 FÉVRIER 1750.

b. Après cela, le général d'Arnim peut insinuer qu'on se souviendrait de quelle façon Sa Majesté avait fait déclarer depuis longtemps par ses ministres à Pétersbourg, le comte de Vicedom et le sieur de Pezold, son inclination d'accéder au traité de Pétersbourg du 22 mai 1746, et qu'on avait trouvé que la question an était si étroitement liée à celle du quomodo, qu'on ne pouvait pas décider l'une sans l'autre.

c. Que, dans la négociation sur la question quomodo, on avait rencontré toutes sortes de difficultés, comme cela paraît plus amplement par le Mémoire du ministère russien en date du 3 janvier 1748, servant de réponse au Mémoire des ministres du Roi du 14/25 septembre 1747; mais que Sa Majesté se flattait de l'amitié de Sa Majesté l'impératrice de Russie et des bonnes intentions du ministère de Russie, qu'on n'exigerait rien d'elle qui surpasse ses forces, et qu'on ne demanderait pas autrement son accession que sous la condition qu'on ne la chargerait de rien qu'elle ne fût pas capable d'effectuer; qu'on

<69>lui promette, d'un autre côté, de la part des deux cours impériales, dans le cas d'une invasion hostile dans ses États patrimoniaux en Allemagne, une assistance prompte, sûre et suffisante, moyennant deux armées à tenir toujours prêtes sur les frontières respectives, et qui puissent d'abord la secourir, ou faire une diversion selon l'exigence du cas; et enfin, qu'on détermine positivement la part qu'elle doit avoir aux avantages qu'on pourrait remporter par un heureux succès des armes.

XI. MÉMOIRE REMIS AU MINISTRE DE RUSSIE, COMTE DE KAYSERLING, A DRESDE, LE 26 JUIN 1751.

Le Roi n'a pas hésité de déclarer déjà de bouche, à Son Excellence M. le comte de Kayserling, les bonnes dispositions dans lesquelles Sa Majesté se trouve relativement au traité définitif d'alliance et de garantie conclu à Pétersbourg, le 22 de mai 1746, entre Leurs Majestés Impériales l'impératrice de Russie et l'Impératrice, reine de Hongrie, auquel traité le Roi a été invité d'accéder. Cette déclaration, joint à tout ce qui a été donné à connaître en même temps audit ministre de Russie, lui sera encore en fraîche mémoire.

Tout comme on réitère ici expressément la même déclaration amiable, qui tend, entre autres vues salutaires, principalement à prouver la haute considération que Sa Majesté porte à Leurs Majestés Impériales et aux autres alliés, et le cas qu'elle fait de leur amitié : ainsi Sa Majesté ne met non plus le moindre doute dans les assurances<70> si souvent données et réitérées de la précieuse amitié de Sa Majesté l'impératrice de Russie, qu'elle ne veuille en échange, à l'occasion de l'accession dont il s'agit, pourvoir préalablement et suffisamment à la sûreté des États héréditaires de Sa Majesté, et effectuer la même chose près des autres alliés.

Dans cette attente, Sa Majesté fera pourvoir au plus tôt son ministre à la cour de Russie des instructions nécessaires pour entrer plus avant en matière, et conduire la négociation dont il s'agit à une heureuse fin. C'est de quoi l'on n'a pas voulu manquer de faire part à Son Excellence le comte de Kayserling, pour qu'il en puisse informer sa cour, etc.

Dresde, ce 26 juin 1751.

Comte de Brühl.

XII. EXTRAIT D'UNE LETTRE DU COMTE DE FLEMMING AU COMTE DE BRÜHL, DE VIENNE, DU 28 FÉVRIER 1753.

En conformité de la dépêche dont Votre Excellence m'a honoré, du 19 du courant, j'ai témoigné à M. le comte d'Ulefeld la satisfaction du Roi notre maître de la déclaration claire et nette de Sa Majesté l'Impératrice-Reine sur l'agnition du traité qui subsiste entre les deux cours, et sur l'application au cas dont il s'agit avec le roi de Prusse.

J'ajoutai en même temps qu'il serait bon, et que le roi mon maître s'y attendait, qu'à l'exemple de la Russie l'on autorisât aussi éventuellement les ministres respectifs qui subsistent aux cours principalement intéressées au maintien de la paix, à pouvoir dans son temps,<71> et supposé que le besoin parût exiger, avant quoi nous ne le demanderions pas nous-mêmes, déclarer de quel œil les cours impériales envisageraient toute avanie qui nous serait faite de la part du roi de Prusse.

Le comte d'Ulefeld me répondit : « Qu'il n'y aurait point de difficulté sur les ordres à envoyer à cet égard à leurs ministres, si nous l'exigions; mais qu'il me donnait derechef à considérer à quoi nous pourrait servir, et quelle impression ferait sur l'esprit du roi de Prusse une pareille déclaration qu'on donnerait dans le sens du traité de 1743, vu l'insuffisance du secours y stipulé; qu'il me chargeait de représenter de nouveau, à cette occasion, à ma cour, qu'on ne pouvait pas prendre assez de mesures contre les vues ambitieuses du roi de Prusse; et que surtout la Saxe, comme la plus exposée, ne pouvait pas user d'assez de précautions pour s'en garantir; qu'il importait donc beaucoup de renforcer nos anciens engagements sur le pied proposé par le feu comte de Harrach en 1745; que cela pouvait se faire à l'occasion de notre accession au traité de Pétersbourg, ou de telle autre façon qui nous paraîtrait la plus convenable pour notre sûreté, et la plus propre pour garder le secret; qu'il croyait qu'il n'y avait point de temps à perdre pour se mettre en bonne posture et état de défense, les conjonctures présentes lui paraissant exiger absolument que les cours alliées s'unissent plus étroitement ensemble que jamais, et que chacune d'elles regardât les intérêts de son allié comme les siens propres, et pour me servir de ses termes : dass Alle vor Einem und Einer vor Alle stünde. »

<72>

XIII. EXTRAIT DE LA LETTRE DU COMTE DE BRÜHL AU COMTE DE FLEMMING A VIENNE, DE DRESDE, LE 8 MARS 1753.

Je profite en même temps de l'excursion de M. le chevalier de Williams et de cette occasion sûre pour vous communiquer, monsieur, un rapport du conseil privé du 3 du courant, contenant le sentiment de ce conseil sur des engagements plus étendus auxquels la cour de Vienne nous invite à l'occasion de notre prochaine accession au traité de Russie. Cette communication ne doit vous servir que pour que vous soyez informé comment on envisage la chose, et des difficultés qu'on y trouve. Mais d'ailleurs le Roi n'approuve pas l'expédient proposé, d'insérer d'abord dans notre acte d'accession l'engagement réciproque de s'entre-secourir de toutes ses forces. Sa Majesté n'est cependant pas éloignée de s'entendre par la suite, dans le dernier secret, avec la cour de Vienne sur un tel secours, par des déclarations particulières et confidentes relatives au quatrième article secret du traité de Pétersbourg, moyennant de justes conditions et avantages qu'en ce cas on doit aussi nous accorder, et à l'égard desquelles vous pourrez prendre ad referendum tout ce qu'on voudra vous proposer. Je pense d'avance que ce qui nous fut promis par la déclaration de l'Impératrice-Reine du 3 de mai 1745,72-a pourra servir de base.

<73>

XIV. EXTRAIT D'UNE DÉPÊCHE DU COMTE DE VICEDOM AU COMTE DE BRÜHL, DE SAINT-PÉTERSBOURG, LE 18 AVRIL 1747.

J'ai l'honneur de dire à Votre Excellence que Pretlack m'a confié que, dans une entrevue secrète qu'il a eue avec l'Impératrice et le grand chancelier, il avait trouvé moyen, par des communications confidentes de la part de sa cour au sujet de plusieurs menées de ce prince désavantageuses à Sa Majesté Impériale, d'inspirer des sentiments qui ont poussé l'inimitié au suprême degré, et au point que cet ambassadeur s'imagine qu'il ne faudrait plus que très-peu pour que sa colère éclatât par quelque voie de fait, etc.

J'ai donc commencé par m'adresser à l'ambassadeur de Pretlack, après lui avoir détaillé tous les avantages qui pourraient résulter de nos démarches amicales pour sa cour et même pour celle de Russie, en procurant, par un accommodement avec la France, plus de facilité à l'Impératrice-Reine à faire tête au roi de Prusse, etc.

XV. TRADUCTION DE LA LETTRE DU SECRÉTAIRE D'AMBASSADE DE WEINGARTEN AU COMTE D'ULEFELD, BERLIN, DU 24 AOUT 1748.

Avant-hier il passa ici un courrier du lord Hyndford qui m'a apporté une dépêche de la part du comte de Bernes, laquelle donne au comte<74> de Kayserling et à moi de grandes lumières sur les préparatifs militaires d'ici, puisque le comte Bernes marque que le parti français et prussien en Suède travaillait à toute force pour procurer la souveraineté au Prince successeur; qu'en considération de ces circonstances on souhaitait d'empêcher le voyage de l'Impératrice à Moscou, et que, comme personne ne pourrait y contribuer davantage que le comte Kayserling, eu égard aux préparatifs et desseins dangereux de la cour de Berlin, il devait animer ce ministre pour cet effet. Celui-ci étant déjà assez prévenu contre la cour d'ici, il ne m'a pas été difficile d'obtenir mon but, puisqu'il m'a fait lire hier sa relation dressée selon les désirs du comte Bernes, en promettant de continuer sur ce ton toutes les semaines.

XVI. LETTRE DU COMTE DE BERNES AU COMTE DE LA PUEBLA. DATÉE DE PÉTERSBOURG, LE 12 DÉCEMBRE 1749.

J'ose vous faire, dans le plus grand secret, la réquisition qui suit :

On souhaite que vous fassiez glisser à l'oreille de M. de Gross, ministre de Russie, mais cela avec tant de précaution qu'on ne puisse jamais soupçonner que la chose vient de vous, qu'il se machine en Suède des choses contre la personne de l'Impératrice, auxquelles la cour de Prusse a sa bonne part; et comme ledit ministre ne manquera probablement pas de vous faire confidence de cette découverte, vous êtes prié de lui répondre que, n'en sachant rien, vous feriez des recherches, et de la lui confirmer ensuite, comme chose que vous auriez apprise par perquisition.

<75>

XVII. EXTRAIT DE L'INSTRUCTION DONNÉE AU GÉNÉRAL D'ARNIM, DRESDE, LE 19 FÉVRIER 1750. TRADUIT.

Le général d'Arnim aura aussi soin d'entretenir la défiance de l'Impératrice et de ses ministres bien intentionnés contre la puissance prussienne, l'agrandissement, et l'abus qu'on en fait; en conséquence, il ne manquera pas de louer et d'applaudir à l'attention et à toutes les mesures que l'Impératrice pourrait y opposer, etc.

XVIII. EXTRAIT D'UNE LETTRE DU SIEUR DE FUNCK AU COMTE DE BRÜHL, DATÉE DE SAINT-PÉTERSBOURG, LE 6 DÉCEMBRE 1753. TRADUIT.

En racontant les motifs que lui Funck et le baron Pretlack, ministre de Vienne, avaient allégués aux ministres de Russie pour tenir toujours une forte armée sur les frontières de la Prusse, il dit leur avoir représenté entre autres :

« Que cette précaution était d'autant plus nécessaire, eu égard aux vues notoires des cours de France, de Prusse et de Suède, dans le cas de la vacance du trône de Pologne, que le roi de Prusse ne tarderait<76> alors pas d'exécuter ses desseins sur la Prusse polonaise et sur l'embouchure de la Vistule. »

« Qu'il fallait imiter l'exemple du roi de Prusse, qui ne regrettait aucunes dépenses qui pouvaient le rendre plus redoutable, venant de former encore trois nouveaux régiments; que la cour de Russie ne devait pas craindre d'être abandonnée par ses alliés lorsqu'elle en viendrait aux mains; qu'ils connaissaient trop bien leurs propres intérêts, etc. »

XIX. EXTRAIT DE LA DÉPÊCHE DU COMTE DE BRÜHL AU SIEUR FUNCK A PÉTERSBOURG, LE 6 FÉVRIER 1754. TRADUIT.

Je ne doute pas que la cour de Russie ne soit déjà informée des différents mouvements et arrangements que le roi de Prusse fait faire dans le royaume de ce nom, avec la plus grande célérité et dans le dernier secret, par rapport au commerce et aux monnaies et surtout pour des préparatifs militaires; j'espère aussi que cette cour y sera d'autant plus attentive, qu'on a remarqué ces préparatifs surtout après la grande augmentation de troupes que l'impératrice de Russie a fait faire en dernier lieu dans ses provinces limitrophes, et qu'ils paraissent y avoir rapport; j'ai pourtant cru devoir vous communiquer les avis qui nous en sont parvenus successivement, afin que vous en puissiez faire usage dans vos entretiens avec le ministère de la cour où vous êtes. Nous y sommes fort attentifs, d'autant que nous connaissons l'envie du roi de Prusse de se mêler des affaires domestiques de la Pologne; que ses projets pour ruiner le commerce de la Pologne<77> et surtout celui de Danzig, se manifestent de plus en plus; et que ses vues d'agrandissement de ce côté-là font sûrement un des objets les plus flatteurs de ses projets.

La dépêche du comte de Brühl du 13 février 1754 ne roule que sur le détail des préparatifs militaires que le Roi faisait faire en Prusse.

EXTRAIT DE LA LETTRE DU SIEUR FUNCK AU COMTE DE BRÜHL, du 31 juin (sic)77-a 1754.

Selon le rapport de M. l'envoyé de Gross, Votre Excellence l'a informé elle-même de la prochaine levée de sept nouveaux régiments prussiens. On remercie Votre Excellence de cet avis, en l'assurant qu'on ne manquera pas d'en faire bon usage, comme de toutes les autres nouvelles de cette nature.

XX. EXTRAIT DE LA DÉPÊCHE DU COMTE DE BRÜHL AU SIEUR FUNCK, DE VARSOVIE, LE 28 JUILLET 1754. TRADUIT.

Les desseins que quelques puissances malintentionnées couvent à l'égard de la Courlande, se manifestent, entre autres indices et pré<78>paratifs, par les gazettes publiques de Berlin, qui annoncent tantôt la mort et tantôt l'état désespéré de la santé du malheureux duc, pour préparer ainsi le public aux événements futurs, etc.

XXI. EXTRAIT DE LA DÉPÊCHE DU COMTE DE BRÜHL AU SIEUR FUNCK, DE VARSOVIE, LE 2 AOUT 1754. TRADUIT.

En parlant de l'ombrage que la Porte ottomane prenait au sujet de la forteresse que la cour de Russie faisait bâtir sur les frontières de la Turquie, il ajoute :

« Comme les cours de France et de Prusse ont jusqu'ici constamment travaillé à entraîner la Porte ottomane dans une guerre contre la Russie, cette affaire leur donnerait beau jeu; le roi de Prusse ne tarderait plus longtemps à se démasquer, et à faire paraître le but de ses armements continuels; dans lequel cas, la Courlande pourrait bien devenir le premier sacrifice de son ambition. »

<79>

XXII. EXTRAIT D'UNE DÉPÊCHE DU COMTE DE BRÜHL AU SIEUR FUNCK, DU 1er DÉCEMBRE 1754. TRADUIT.

Je ne saurais vous cacher un avis qui m'est parvenu, touchant un nouveau dessein du roi de Prusse pour faciliter ses vues d'agrandissement. On sait que ce prince travaille depuis longtemps à entraîner les deux cours de Suède et de Danemark dans ses intérêts. La tentative qu'il en a faite en Danemark, à l'occasion de la prolongation du traité de subsides entre cette cour et celle de France, ne lui ayant pas réussi, il pense à d'autres moyens de gagner la cour de Copenhague.

La naissance du jeune grand-duc de Russie doit lui avoir paru une occasion favorable pour parvenir à ce but. Car, comme il s'imagine qu'après cet événement, qui affermit la succession dans le duché de Holstein, la négociation touchant l'échange de ce duché contre la comté d'Oldenbourg deviendra plus difficile, et que la cour de Danemark sera fort fâchée de renoncer à un arrondissement si désiré, on prétend qu'il a fait proposer un autre plan à la cour de Danemark pour réussir dans ses vues. On n'a pas encore pu approfondir en quoi consiste ce plan, de quelle façon il a promis de le seconder, s'il vise même à des moyens violents, et ce qu'il se veut stipuler en retour; cependant mes avis font conjecturer que dans ce projet on n'aura pas oublié le prétexte de la religion grecque, que le grand-duc a embrassée et qui n'est pas une des religions tolérées dans l'Empire, et qu'on se flatte d'y mêler par ce moyen l'Empire et les garants de la paix de Westphalie.

<80>Quoique je ne prétende rien décider sur ce projet, d'ailleurs si conforme au génie du roi de Prusse, et que je sois aussi d'opinion que la cour de Danemark n'en sera pas la dupe, l'idée seule d'un pareil projet paraît pourtant être assez importante pour que vous en fassiez confidence au ministère de Russie, quoique avec le ménagement nécessaire, etc.

XXIII. EXTRAIT D'UNE LETTRE DU SIEUR FUNCK AU COMTE DE BRÜHL, DE PÉTERSBOURG, LE 9 JUIN 1755. TRADUIT.

On rendrait un bon service à la cause commune, si on suppéditait en confiance à M. de Gross qu'il fasse mention dans un de ses rapports, en termes généraux, uniquement pour avoir l'occasion de l'insinuer adroitement à l'Impératrice, que le roi de Prusse devait avoir trouvé un canal en Courlande pour être exactement informé des secrets de cette cour, etc.

<81>

XXIV. EXTRAIT DE LA DÉPÊCHE DU COMTE DE BRÜHL A M. DE FUNCK, DU 23 JUILLET 1755. TRADUIT.

En accusant votre dépêche du 30 passé, je vous dirai que je n'ai pas manqué de m'acquitter envers M. de Gross de la commission contenue dans votre lettre du 9 du passé. Il a reçu avec reconnaissance l'avis qu'on lui a donné, qu'il ne pourrait pas mieux faire sa cour qu'en faisant, dans ses rapports, souvent et adroitement mention des vues pernicieuses et des artifices de la cour de Prusse, qui ne sont que trop vrais, et il ne manquera pas de profiter de ce conseil, etc.

XXV. EXTRAIT DE LA LETTRE DU SIEUR FUNCK AU COMTE DE BRÜHL, DE PÉTERSBOURG, LE 20 OCTOBRE 1755.

Ce que je puis dire de positif de l'objet des délibérations du dernier grand conseil, consiste en ceci : qu'en prenant pour base le résultat connu du grand conseil de Moscou, on a établi de nouveau comme une maxime fondamentale pour le futur, de s'opposer de toutes ses forces à l'agrandissement ultérieur de la maison de Brandebourg, et de se mettre pour cet effet en si bon état, qu'on puisse profiter de la<82> première occasion qui se présentera; et l'on est résolu d'attaquer le roi de Prusse sans aucune discussion ultérieure, non seulement dans le cas que ce prince vînt à attaquer un des alliés de cette cour-ci, mais cela doit aussi avoir lieu si le roi de Prusse venait à être entamé par un desdits alliés de cette cour. On veut établir, pour cet effet, des magasins pour cent mille hommes à Riga, Mitau, Libau et Windau, et on a trouvé pour cela un fonds de deux millions et demi de roubles, et un autre fonds annuel d'un million et demi pour entretenir ces arrangements.

XXVI. EXTRAIT DE LA DÉPÊCHE DU COMTE DE BRÜHL AU SECRÉTAIRE PRASSE A PÉTERSBOURG, DU 2 JUIN 1756.

Pour ce qui regarde la commission secrète de faire parvenir à Pétersbourg, par des canaux cachés, l'avis des machinations prussiennes en Ukraine, nous sommes encore occupés à trouver un bon et sûr canal, et on s'apercevra bientôt, de façon ou d'autre, de l'effet de mon inclination personnelle à seconder une si bonne intention, quoique un peu artificieuse.

<83>

XXVII. EXTRAIT DE LA LETTRE DU COMTE DE FLEMMING AU COMTE DE BRÜHL, de vienne, le juin (sic) 1756.

Je dois encore ajouter qu'il a été enjoint à M. le comte de Kayserling, par le dernier rescrit, de ne ménager ni peines ni argent pour parvenir à une connaissance exacte de l'état des revenus de cette cour-ci. Il y a apparence qu'on en veut être informé pour savoir au juste si l'on est ici à même de pouvoir soutenir, par ses propres fonds et sans le secours de l'Angleterre, les frais d'une guerre, et si elle peut en outre fournir des subsides, etc.

DU MÊME, EN DATE DU 9 JUIN.

On a lieu de présumer qu'il a été concerté entre les deux cours impériales de Vienne et de Russie que celle-ci, pour masquer d'autant mieux les véritables raisons de son armement, le fasse sous le prétexte apparent de se trouver par là en état de satisfaire à ses engagements contractés dans la dernière convention subsidiaire avec l'Angleterre, en cas qu'il en fût besoin; et quand tous les préparatifs seront achevés, de tomber inopinément sur le roi de Prusse, etc.

DU MÊME, EN DATE DU 19 JUIN.

Par les ouvertures générales et obscures qu'un certain ministre a faites au sieur Prasse, touchant l'armement de la Russie, et que Votre Excellence a bien voulu me communiquer par ladite dépêche, j'ai remarqué que ce ministre commence à devenir plus réservé et mystérieux sur les intentions de sa cour. Cette retenue me paraît être<84> conforme à celle qu'on garde ici, où l'on se contente également de donner à entendre qu'on n'a d'autre dessein que de se tenir en repos, et se préparer en attendant à tout événement qui pourrait arriver dans les présentes conjonctures, etc.

XXVIII. LETTRE DU COMTE DE FLEMMING AU COMTE DE BRÜHL.

Vienne, ce 28 juillet 1756.



Monseigneur,

Monsieur de Klinggräff reçut samedi passé un exprès de sa cour, en conséquence duquel il envoya le lendemain un billet à M. le comte de Kaunitz, pour le prier avec beaucoup d'empressement de lui marquer une heure où il pouvait lui parler. Ce billet fut remis à ce chancelier d'État justement lorsqu'il se trouvait en conférence avec les maréchaux comtes de Neipperg et de Browne et avec le général prince Piccolomini. Et comme il était intentionné de se rendre d'abord après la conférence auprès de l'Impératrice-Reine, pour lui en faire son rapport, il fit répondre à M. de Klinggräff qu'il était à la vérité obligé d'aller à Schönbrunn, mais qu'il lui ferait cependant plaisir s'il voulait se hâter de venir dans l'instant même; ce que le ministre prussien n'a pas manqué de faire. M. le comte de Kaunitz m'a dit confidemment, dans un entretien que j'eus hier matin avec lui, que M. de Klinggräff, d'abord en entrant chez lui, avait donné à connaître, avec un certain embarras mêlé d'inquiétude, qu'il venait de recevoir un exprès de sa cour, qui lui avait apporté des ordres<85> dont il devait exposer en personne le contenu à l'Impératrice-Reine; et que pour cet effet il lui était enjoint de demander une audience particulière de Sa Majesté, qu'il le priait de vouloir bien lui procurer. Que lui comte de Kaunitz avait répondu qu'étant sur le point de se rendre à Schönbrunn, il se chargeait volontiers de demander pour lui l'audience qu'il désirait; mais qu'il ne pouvait se dispenser de lui faire entendre qu'il était à propos de le mettre en état de pouvoir, du moins en général, prévenir l'Impératrice sur la nature des insinuations qu'il avait ordre de faire à Sa Majesté. Que là-dessus M. de Klinggräff lui avait dit qu'il était chargé de demander amicalement et par voie d'éclaircissement, au nom du roi son maître, à quoi aboutissaient les armements et préparatifs guerriers qu'on faisait ici, et si peut-être ils le regardaient; ce qu'il ne saurait cependant s'imaginer, ne sachant point y avoir donné occasion en la moindre chose. Que lui Kaunitz avait répliqué qu'il ne pouvait lui répondre d'avance sur cette ouverture; qu'il ne manquerait pas d'en faire incessamment son rapport à l'Impératrice, et de lui procurer l'audience qu'il désirait; que cependant il ne pouvait s'empêcher de lui dire qu'il était surpris de l'explication que le roi son maître demandait au sujet des mesures qu'on prenait dans ce pays, après que, de ce côté-ci, on n'avait témoigné à ce prince aucune inquiétude ni ombrage des grands mouvements et préparatifs qu'on avait remarqués le premier dans son armée. Ce ministre m'a ajouté : qu'étant allé immédiatement après à Schönbrunn, il avait chemin faisant réfléchi sur la réponse qu'il conseillerait à sa souveraine de donner à M. de Klinggräff; et qu'ayant cru entrevoir que le roi de Prusse avait deux objets en vue qu'on voulait également éviter ici, savoir : d'en venir à des pourparlers et éclaircissements qui pourraient d'abord causer une suspension des mesures qu'on jugeait nécessaire de continuer avec vigueur; et en second lieu, d'amener les choses plus loin et à d'autres propositions et engagements plus essentiels, il avait jugé que la réponse devait être d'une nature qui éludât entièrement la question du roi de Prusse,<86> et qui, en ne laissant plus lieu à des explications ultérieures, fût en même temps ferme et polie, sans être susceptible d'aucune interprétation ni sinistre ni favorable. Qu'en conformité de cette idée, il lui avait paru suffire que l'Impératrice se contentât de répondre simplement : que dans la forte crise générale où se trouvait l'Europe, il était de son devoir et de la dignité de sa couronne de prendre des mesures suffisantes pour sa propre sûreté, aussi bien que pour celle de ses amis et alliés. Que l'Impératrice-Reine avait approuvé cette réponse; et que, pour montrer que la démarche et demande du roi de Prusse ne causait ici le moindre embarras, Sa Majesté avait fait fixer l'heure pour l'audience de M. de Klinggräff d'abord pour le lendemain, qui fut avant-hier; et après avoir écouté la proposition de ce ministre, comme il l'avait exposée la veille à M. le comte de Kaunitz, elle lui avait précisément répondu dans les termes mentionnés, et avait rompu par un signe de tête tout d'un coup l'audience, sans entrer dans aucun plus grand détail. Il est vrai que tout Vienne, qui était alors assemblé dans l'antichambre de l'Impératrice-Reine, à cause du jour de gala, a vu entrer et sortir le moment après M. de Klinggräff avec un air assez étonné. Je tiens toutes ces circonstances de la bouche de M. le comte de Kaunitz, qui m'a dans cette rencontre parlé avec plus d'ouverture et de confiance qu'il n'a fait jusqu'à présent, me chargeant même d'en faire usage dans mes dépêches à Votre Excellence, se réservant néanmoins là-dessus un secret des plus exacts.

On doute d'autant moins que cette réponse aussi énergique qu'obscure ne jette le roi de Prusse dans un grand embarras; et on prétend ici que ce prince doit être dans de grandes inquiétudes, et qu'il a déjà tiré de son trésor près de trois millions d'écus, que ses préparatifs et augmentations lui ont coûté.

On présume que le but qu'il s'est proposé par la demande susalléguée, a été probablement que si l'on avait répondu que c'était lui qui avait occasionné les armements qu'on faisait ici, il aurait tâché de s'en<87> disculper, en donnant pour preuve que par cette raison il n'avait pas même assemblé les camps qu'il avait fait déjà tracer pour exercer ses soldats, mais qu'il avait ordonné aux régiments de se séparer; imaginant peut-être de mettre cette cour dans la nécessité de suivre son exemple, en discontinuant également ses préparatifs : je crois cependant qu'il aurait de la peine à la détourner de son dessein par ces sortes d'illusions.

On a su par un exprès dépêché par le comte de Puebla, arrivé ici dimanche passé, que malgré les feintes dispositions du roi de Prusse, ses troupes ne cessaient pas de filer vers la Silésie. On comprend d'ailleurs fort bien que ce prince, par la position locale de son armée, qu'il peut assembler en autant de semaines qu'on a besoin ici de mois vu l'éloignement des quartiers où les troupes se tiennent, a un avantage trop marqué sur cette cour-ci, à laquelle il causerait, par de longues et continuelles marches, de si grandes dépenses, qu'elles deviendraient à la fin insoutenables. Je dis que l'on comprend fort bien qu'il est nécessaire de poursuivre sans interruption les mesures qu'on a déjà commencées, afin de se mettre dans les circonstances présentes à deux de jeu et en bon état; que le roi de Prusse se trouve par là obligé, pour soutenir ses armements et les augmentations faites et à faire, qui surpassent ses forces, ou de se consumer à petit feu, ou, pour prévenir cet inconvénient, de se laisser aller à une résolution précipitée : et c'est précisément là où il me semble qu'on l'attend.

Le retour du courrier de M. de Klinggräff, que ledit prince attend sans doute avec la dernière impatience, nous fera voir plus clair dans ses dispositions. Il est à croire que, s'il se croit menacé, il ne tardera plus à porter des coups et à prévenir ceux qu'il craint, pour profiter de la situation dans laquelle on se trouvera ici jusqu'à la fin du mois d'août, qui est le terme où toutes les troupes seront assemblées. Mais d'un autre côté, s'il reste tranquille, il peut être per<88>suadé qu'il ne sera point inquiété ni attaqué, du moins pas cette année. Cependant, par tout ce que je remarque, je ne saurais m'imaginer autrement que la cour d'ici doit être bien sûre de l'amitié et de l'attachement de la Russie; ce qui m'a paru se confirmer encore par une lettre que le ministre hollandais à Pétersbourg, M. Swart, a écrite du 6 du courant à M. de Burmannia, où il mande entre autres que l'émissaire français, le chevalier Douglas, gagnait de jour en jour plus de terrain.

Comme cela ne pourra manquer de produire en Russie une altération dans son ancien système, il ne paraît pas surprenant que le grand chancelier comte de Bestusheff, suivant ce que Votre Excellence m'a fait l'honneur de m'écrire par sa dernière dépêche, a pris la résolution de se retirer à la campagne, sous prétexte de rétablir sa santé, et de s'éloigner pour quelque temps des affaires, voulant apparemment attendre quel pli elles prendront, et prévoyant peut-être que ce moment ne tardera plus d'arriver, puisque tout semble dépendre de la résolution du roi de Prusse, étant certain que, s'il se tient en repos, la cour de Vienne ne commencera non plus rien, du moins cette année; mais elle tâchera d'achever pendant cet intervalle ses préparatifs, pour se trouver l'année prochaine en situation de pouvoir prendre un parti convenable selon les circonstances et événements du temps.

Ce qui me confirme de plus en plus dans l'opinion que j'ai osé prendre la liberté de communiquer à Votre Excellence par mes précédentes, que notre cour n'a pas de moyen plus sûr de profiter des conjonctures présentes, qui n'ont peut-être jamais été si favorables sous le règne de notre auguste maître, qu'en se mettant en bonne posture pour se faire rechercher, c'est qu'un de mes amis, qui prétend en être informé par un des commis du trésor, m'assure que la cour d'ici avait fait passer un million de florins en Russie.

M. le comte de Kaunitz m'a dit que les avis que Votre Excellence<89> lui avait fait parvenir sur les bruits qu'avait répandus le roi de Prusse sur des alliances à faire entre lui et nous, de même qu'avec la Russie, et de plus que la cour d'ici se mêlait d'une médiation entre la France et l'Angleterre, lui étaient déjà parvenus d'ailleurs, et méritaient par conséquent d'autant plus d'attention et d'être contredits, comme on en donnerait l'ordre aux ministres de l'Impératrice-Reine dans les cours de l'Europe. Ce chancelier d'État m'a dit encore qu'il y avait des avis comme quoi le roi de Prusse avait voulu surprendre la ville de Stralsund dans la Poméranie suédoise, et qu'apparemment si cela se vérifiait, c'était en conformité de la trame découverte en dernier lieu à Stockholm.

Si Votre Excellence est à portée de pouvoir faire des insinuations avec sûreté à la cour de Londres, elle lui rendrait peut-être service en lui faisant connaître le danger dans lequel elle se trouve, et dans lequel les mauvais conseils de ceux qui sont le plus dans le crédit aujourd'hui, l'ont entraînée.

Cette cour ne sortira que difficilement de la bredouille où elle s'est précipitée, et si elle ne se sépare pas du roi de Prusse en faisant sa paix avec la France aux meilleures conditions possibles, cette dernière ira de succès en succès et de projets en projets, qui pourraient à la longue devenir funestes à la maison de Hanovre.

Je demande en grâce à Votre Excellence de ne rien communiquer en détail à M. de Broglie de ce que j'ai l'honneur d'écrire à Votre Excellence, cet ambassadeur étant en correspondance avec M. d'Aubeterre, qui m'a dit avec surprise que le comte de Broglie était entièrement persuadé qu'on en voulait ici au roi de Prusse, et qu'il l'accusait même de défiance et de trop de réserve sur les desseins de la cour de Vienne.

Le marquis d'Aubeterre ayant sollicité depuis longtemps la permission de pouvoir s'absenter de son poste pour quelques mois, afin<90> de vaquer à des affaires de famille qui exigent sa présence à Paris vient d'en obtenir l'agrément.

Le général Karoly, et non pas le général Nadasdy comme on l'a cru, vient d'être déclaré Bannus de la Croatie.

J'ai l'honneur d'être, avec un très-profond respect,



Monseigneur,

de Votre Excellence etc.
Comte de Flemming.

XXIX. LETTRE DU COMTE DE BRÜHL AU COMTE DE FLEMMING A VIENNE.

Dresde, le 1er juillet 1756.



Monsieur,

Je profite du départ d'un courrier que M. le comte de Sternberg dépêche à sa cour pour y porter les avis que M. le comte de Puebla lui a communiqués nouvellement touchant les grands préparatifs militaires du roi de Prusse, qui paraissent menacer de plus en plus d'une levée de boucliers de sa part.

Votre Excellence ne pourra pas manquer d'être informée du détail plus spécial de ces avis et apparences dangereuses par le ministère de Leurs Majestés Impériales, et je me contente de lui faire parvenir ci-joint l'extrait de la dernière lettre de M. de Bülow, qui parle des mêmes appréhensions. Venant de m'entretenir confidemment là-dessus avec M. le comte de Sternberg, je dois vous autoriser, monsieur, de conférer sur un objet aussi intéressant pour l'une et pour<91> l'autre cour avec le ministère de celle où vous subsistez; de lui faire comprendre la position difficile et dangereuse où le passage d'une armée prussienne par la Saxe, auquel notre situation ne nous permet aucunement de nous opposer, ou peut-être quelque proposition et demande ultérieure et plus significative que Sa Majesté Prussienne pourrait nous faire dans cette occasion, nous exposeraient; et de l'engager à s'ouvrir dans la dernière confidence envers nous sur les mesures qu'on se propose d'employer pour se garantir soi-même d'une injuste attaque, et pour couvrir et protéger en même temps les États du roi notre maître, qui se trouvent derechef menacés par notre attachement fidèle à nos alliés.

Dans cette dernière intention, il serait sans doute nécessaire qu'on rassemblât incessamment un corps d'armée suffisant dans les cercles de la Bohême les plus proches de nos frontières; et il serait également utile pour les deux cours s'il plaisait à Sa Majesté l'Impératrice - Reine d'enjoindre à M. le feld-maréchal Browne de communiquer et de se concerter, à tout événement et avec le ménagement et secret requis, avec notre feld-maréchal comte de Rutowski, qui vient d'y être déjà autorisé par le Roi.

Étant persuadé que la cour de Vienne trouve dans notre conservation et sûreté ses propres avantages, je me suis expliqué sur tout ceci plus au long avec M. le comte de Sternberg, qui ne manquera pas d'en rendre un compte exact par le même courrier, et je puis me rapporter au reste à vos lumières, monsieur, et à votre zèle et dextérité, pour me dispenser d'ajouter à ma présente toutes les réflexions et motifs essentiels, convenables à cette situation critique, et conformes aux liaisons qui subsistent entre les deux cours.

Je prie seulement Votre Excellence de hâter autant qu'il sera possible les éclaircissements qu'elle aura à me donner, étant d'ailleurs très-véritablement et avec etc.


50-a Du 2 juin, nouveau style.

66-a Dans les deux éditions originales du Mémoire raisonné sur la conduite des cours de Vienne et de Saxe, Berlin, et A Berlin, 1756, in-4, p. 12, il y a « le 18 juin 1747; » mais dans les Pièces justificatives annexées à ces deux éditions, on lit « le 12 juin 1747. »

72-a C'est le Traité de partage donné à la page 47; l'exemplaire de la cour de Vienne est daté du 3 mai, celui de la cour de Saxe, du 18 mai 1745.

77-a Nous avons marqué par un (sic) les incorrections des pièces justificatives; car elles appartiennent à l'édition originale, publiée par le Roi lui-même en 1756, et le manuscrit ne se retrouvant pas aux archives royales, nous n'avons eu aucun moyen de les vérifier et de les corriger.