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AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR.

L'ouvrage du Roi que le public connaît sous le titre d'Histoire de la guerre de sept ans, a été écrit par l'Auteur lui-même, sur du papier à tranche dorée et de format in-quarto. Les caractères en sont nets et très-serrés. En beaucoup d'endroits, le Roi a effacé ce qu'il avait mis d'abord, pour y substituer d'autres expressions. Dans le récit de la Campagne de 1758, écrit sur du papier semblable, mais d'un format un peu moins grand que celui des autres chapitres, se trouvent fréquemment des bandes de papier collées sur l'autographe, et sur lesquelles le Roi a de nouveau corrigé et modifié sa première rédaction.

Le manuscrit est en entier de la main de Frédéric, à l'exception des Pièces justificatives ajoutées au troisième chapitre, et de l'Extrait du traité d'alliance conclu à Versailles, qui est annexé au neuvième. Quant au premier de ces documents, le Roi a intercalé un exemplaire de l'édition originale du Mémoire raisonné dont il a été fait mention dans la Préface de l'Éditeur, tome I, p. v, et dans le quatrième volume, p. 95. Le second a été copié par un secrétaire.

L'Auteur n'a pas donné de titre spécial à son ouvrage : il le considérait comme la suite des mémoires sur son règne, c'est-à-dire, de l'Histoire de mon temps. Un archiviste a écrit en tête de l'autographe, qui paraît n'avoir été broché qu'aux archives : « Manuscrit original de l'Histoire de la guerre de sept ans de Sa Majesté le roi Frédéric II » (Caisse 365, B 1). Cet ouvrage, composé de deux cent cinq pages,<II> n'a pas été paginé par l'Auteur d'une manière continue; chaque chapitre l'a été séparément Le Roi ne l'a pas divisé en deux parties, comme l'Histoire de mon temps; toutefois, à l'exemple des éditeurs de 1788, nous le donnons en deux volumes, parce qu'un seul, dans l'édition de luxe surtout, serait trop gros et hors de proportion avec les autres.

De même que dans l'Histoire de mon temps, les sommaires des chapitres ont été faits avec beaucoup d'exactitude par l'Auteur lui-même; et les dates, les observations marginales, en un mot, tout ce qui, dans la présente édition, n'est pas mis en note comme ajouté par nous, a été de sa part l'objet d'une attention scrupuleuse.

L'Histoire de la guerre de sept ans se termine par ces mots, de la main du Roi : A Berlin, ce 17 de décembre 1763; puis vient la signature. L'Avant-propos porte : A Potsdam, le 3 de mars 1764; il est également suivi de la signature de l'Auteur.

Dans sa lettre au Maréchal d'Ecosse datée de Sans-Souci, le 16 février 1764, le Roi dit avec un noble abandon : « Je travaille ici à écrire mes sottises politiques et guerrières; » et dans la lettre au même ami datée de Berlin, le 7 avril 1764 : Ces mémoires dont vous parlez, et que je viens d'achever, me convainquent de plus en plus qu'écrire l'histoire est compiler les sottises des hommes et les coups du hasard. Les dates de ces fragments de lettres montrent que le Roi travailla à son ouvrage jusqu'au printemps de l'année 1764, quoiqu'il l'eût terminé plus tôt.

La famille de M. Henri de Catt, secrétaire du Roi, nous a communiqué un exemplaire des Réflexions morales de l'empereur Marc-Antonin, avec des remarques de M. et de Mme Dacier, 5e édition. A Amsterdam, 1740; deux tomes en un volume, fortement endommagé du feu. On trouve dans ce livre la remarque suivante, inscrite de la main de M. de Catt : « Ce pauvre Marc-Antonin a été brûlé sur la table du Roi en novembre 1763. L'histoire de la dernière guerre, que Sa Majesté avait entièrement finie, fut dévorée par les flammes avec tous les matériaux sur cette même table. Sa Majesté me donna cet Antonin pour souvenir de l'incendie et de la perte qu'elle avait faite. » Les dates indiquées plus haut sur le terme dans lequel le Roi acheva l'ouvrage, nous font douter de l'exactitude de ce récit : il y a peu d'apparence que l'Auteur eût voulu recommencer, et pu achever dans un si court espace de temps un travail si long et qui avait dû lui coûter tant de peine.

<III>On fit pour l'édition de 1788, d'après le manuscrit original, une copie qui se trouve aux archives royales du Cabinet (Caisse 365, B 2); l'Editeur l'intitula Histoire de la guerre de sept ans. Le ministre d'Etat comte de Hertzberg apposa sa signature (Vidit Hertzberg; Hertzberg; H.) au commencement et à la fin de chaque chapitre, après avoir préalablement supprimé tout ce qui lui paraissait inconvenant ou de nature à choquer certaines susceptibilités. Il avait aussi introduit arbitrairement d'autres légers changements, dont nous indiquerons quelques-uns dans les notes. Une copie semblable, destinée à l'impression, a été faite des Mémoires depuis la paix de Hubertsbourg jusqu'à la paix de Teschen; il en a probablement aussi existé une de l'Histoire de mon temps, mais elle ne se trouve pas aux archives royales.

En ce qui concerne la dénomination de Guerre de sept ans, c'est en 1783 qu'elle paraît avoir été employée pour la première fois, dans le titre de l'ouvrage de G.-F. de Tempelhoff, Geschichte des siebenjährigen Krieges in Deutschland. Deux ans auparavant, le général Lloyd avait intitulé son ouvrage : The history of the late war in Germany, between the king of Prussia, and the empress of Germany and her allies. J.-W. d'Archenholtz, qui publia en 1788 son livre devenu très-populaire, adopta le même titre que Tempelhoff. Frédéric lui-même se sert d'autres expressions : au commencement de l'Avant-propos de cette Histoire, il dit : « La guerre qui survint en 1756, etc. » Son Avant-propos des Éléments de castramétrie et de tactique, 1771, commence par ces mots : « J'avais donné à mes officiers généraux, avant la dernière guerre, une instruction, etc. » Enfin, dans les premières lignes de l'Avant-propos des Mémoires depuis la paix de Hubertsbourg jusqu'à la fin du partage de la Pologne, le Roi s'exprime ainsi : « J'avais eu lieu de croire que les derniers ouvrages politiques et militaires que je donnerais à la postérité, seraient ceux qui contiennent ce qui s'est passé en Europe depuis l'année 1756 jusqu'à l'année 1763, où la paix de Hubertsbourg fut conclue. » Le nom de Troisième guerre de Silésie a été fort usité aussi, jusqu'à ce que celui de Guerre de sept ans ait éclipsé tous les autres.

Outre les Pièces justificatives annexées par l'Auteur au troisième chapitre de son manuscrit, et omises par les éditeurs de 1788, nous avons ajouté au quatrième volume la Correspondance de Frédéric avec le roi de Pologne, qui fut occasionnée par l'invasion des troupes prussiennes en Saxe au commencement de la guerre de sept ans, et la Disposition testamentaire de Frédéric, adressée à son frère le prince<IV> Henri, et datée de Grüssau, le 10 août 1758. La Correspondance avec le roi de Pologne fut publiée dans une intention politique, à ce qu'il paraît, et réimprimée dans plusieurs collections, par exemple, dans les Œuvres diverses du Philosophe de Sans-Souci. (Sans lieu d'impression) 1761, t. III. C'est là que nous en avons pris copie. Quant à la Disposition testamentaire, Frédéric l'écrivit en marchant contre les Russes après avoir levé le siége d'Olmütz; voyez t. IV, p. 228 et 229. Nous la publions ici pour la première fois en entier, d'après le manuscrit original déposé aux archives (F. 105, Dd). A la fin de cet autographe, qui, n'étant que la minute de la pièce, ne porte pas de signature, se trouve la date, ajoutée par M. Eichel, conseiller de Cabinet.

Le 19 février dernier, M. Paul Ackermann, attaché depuis le 1er mai 1841 à la rédaction de cette nouvelle édition des Œuvres de Frédéric le Grand, est tombé gravement malade. A notre grand regret, cet homme laborieux et instruit a été obligé de demander sa démission et de retourner dans son pays natal, où il est mort au mois de juillet. M. Charles de la Harpe l'a remplacé, et s'acquitte de sa tâche avec dévouement.

Berlin, ce 29 décembre 1846.

J.-D.-E. Preuss,
Historiographe de Brandebourg.