<86> et qui, en ne laissant plus lieu à des explications ultérieures, fût en même temps ferme et polie, sans être susceptible d'aucune interprétation ni sinistre ni favorable. Qu'en conformité de cette idée, il lui avait paru suffire que l'Impératrice se contentât de répondre simplement : que dans la forte crise générale où se trouvait l'Europe, il était de son devoir et de la dignité de sa couronne de prendre des mesures suffisantes pour sa propre sûreté, aussi bien que pour celle de ses amis et alliés. Que l'Impératrice-Reine avait approuvé cette réponse; et que, pour montrer que la démarche et demande du roi de Prusse ne causait ici le moindre embarras, Sa Majesté avait fait fixer l'heure pour l'audience de M. de Klinggräff d'abord pour le lendemain, qui fut avant-hier; et après avoir écouté la proposition de ce ministre, comme il l'avait exposée la veille à M. le comte de Kaunitz, elle lui avait précisément répondu dans les termes mentionnés, et avait rompu par un signe de tête tout d'un coup l'audience, sans entrer dans aucun plus grand détail. Il est vrai que tout Vienne, qui était alors assemblé dans l'antichambre de l'Impératrice-Reine, à cause du jour de gala, a vu entrer et sortir le moment après M. de Klinggräff avec un air assez étonné. Je tiens toutes ces circonstances de la bouche de M. le comte de Kaunitz, qui m'a dans cette rencontre parlé avec plus d'ouverture et de confiance qu'il n'a fait jusqu'à présent, me chargeant même d'en faire usage dans mes dépêches à Votre Excellence, se réservant néanmoins là-dessus un secret des plus exacts.

On doute d'autant moins que cette réponse aussi énergique qu'obscure ne jette le roi de Prusse dans un grand embarras; et on prétend ici que ce prince doit être dans de grandes inquiétudes, et qu'il a déjà tiré de son trésor près de trois millions d'écus, que ses préparatifs et augmentations lui ont coûté.

On présume que le but qu'il s'est proposé par la demande susalléguée, a été probablement que si l'on avait répondu que c'était lui qui avait occasionné les armements qu'on faisait ici, il aurait tâché de s'en