<37>terre s'engageait à payer vingt mille livres sterling aux négociants prussiens, qu'ils avaient à prétendre en dédommagement des prises non restituées que les Anglais leur avaient faites pendant la dernière guerre.

Ce traité arriva signé à Berlin environ un mois après que le duc de Nivernois s'y fut rendu : Louis XV envoyait ce seigneur à la cour du Roi, pour renouveler l'alliance de Versailles prête à s'écouler, plus encore pour faire entrer la Prusse dans le projet que la France méditait contre l'électorat de Hanovre. L'argument le plus fort qu'employa le duc de Nivernois pour persuader au Roi cette alliance et cette guerre, ce fut de lui offrir la souveraineté de l'île de Tabago. Il faut savoir qu'après la guerre de 1740 les Français avaient donné cette île au comte de Saxe; et comme les Anglais en parurent très-mécontents, il fut stipulé qu'elle demeurerait déserte, et ne pourrait être cultivée par aucune nation. Cette offre était trop ridicule pour être reçue : le Roi tourna la chose en plaisanterie, et pria le duc de Nivernois de jeter les yeux sur quelqu'un qui fût plus propre à être gouverneur de l'île de Barataria que lui;a il déclina de même le renouvellement d'alliance et la guerre dont il avait été question, et pour en agir avec la plus grande candeur vis-à-vis de la France, pour la convaincre de l'innocence des nouveaux engagements qu'il avait pris avec l'Angleterre, il ne fit point difficulté de montrer en original au duc de Nivernois le traité qui venait d'être signé à Londres. La nouvelle de cette alliance causa une vive sensation à Versailles dans l'esprit de Louis XV et de son conseil; il s'en manqua peu qu'ils ne dissent que le roi de Prusse s'était révolté contre la France. Le fait examiné par des yeux impartiaux était différent. L'alliance de la Prusse avec la France allait expirer dans deux mois; le Roi, comme souverain, était autorisé de contracter des liaisons avec des peuples où ses États trouvaient leur plus grand avantage : il ne manquait donc


a Le Roi fait ici allusion au gouvernement de Sancho Pança.