<23> comprit dans la haine qu'il avait pour M. de Mardefeld, tout ce qui avait le nom prussien. Pour se venger de ces offenses particulières, il engagea l'Impératrice à conclure une alliance avec les cours de Vienne et de Londres. Ce traité était avantageux à la Russie par deux raisons : premièrement, parce que l'union de la maison d'Autriche était convenable à la Russie, pour s'opposer conjointement aux entreprises de la Porte; et en second lieu, par les subsides anglais, qui depuis inondèrent Pétersbourg. Les choses étant ainsi disposées, il ne fut pas difficile à l'Impératrice-Reine de rompre toute correspondance entre la Prusse et la Russie; ni les ménagements que le Roi gardait dans ces circonstances scabreuses, ni une conduite toujours mesurée qu'il tint vis-à-vis de la cour de Pétersbourg, ne purent empêcher que les choses n'en vinssent bientôt à un éclat.

Un homme d'une extraction obscure, revêtu du caractère de ministre de Russie, nommé Gross, fut l'instrument dont M. de Bestusheff se servit pour brouiller les deux cours. Ce ministre, chargé de saisir la première occasion pour en venir à un éclat, prit le premier prétexte qui se présenta pour remplir les intentions de sa cour. Le Roi donnait des fêtes à Charlottenbourg à l'occasion du mariage du prince Henri avec la princesse de liesse. Les ministres étrangers y parurent. Le fourrier de la cour eut ordre de les inviter tous à souper; il s'acquitta de sa commission, mais il ne put trouver le sieur Gross, qui était parti exprès une demi-heure avant les autres. Ce ministre déclara le lendemain qu'il ne paraîtrait plus à la cour, après l'affront fait à l'Impératrice en sa personne, et qu'il attendrait le retour de son courrier de Pétersbourg pour régler sa conduite ultérieure sur les ordres qu'il en recevrait. Ce courrier arriva; Gross partit sur-le-champ furtivement de Berlin,a escorté pendant qu'il traversait la ville


a L'envoyé russe de Gross quitta Berlin dès la fin de l'année 1750, et le mariage du prince Henri n'eut lieu que le 25 juin 1752. Il n'est pas exact de dire qu'il est parti furtivement, car le Roi, dans une circulaire adressée aux autres ministres étrangers s'exprime ainsi : « M. de Gross est parti d'ici sans prendre congé. Il a seulement écrit un billet à M. de Podewils, pour lui demander des chevaux jusqu'à Memel. » Par suite de cet événement, M. Warendorff, chargé d'affaires de la cour de Prusse à Saint-Pétersbourg, demanda ses passe-ports, le 13 décembre 1750; il les reçut le 15, accompagnés d'une note dans laquelle étaient expliquées les raisons du départ de M. de Gross. Voyez Neuer Europäischer Staats-Secretarius, 1751, t. XXIII, p. 995-998.
     Le comte de Finckenstein, revenant de Russie, fut nommé second ministre de Cabinet, le 4 juin 1749. Voyez t. III, p. 17.