<204> que les Russes évacuèrent les États du Roi à la fin de la campagne. M. de Bestusheff fut encouragé dans cette conduite par les conseils du grand-duc et de la grande-duchesse de Russie, qui tous les deux avaient les sentiments les plus favorables pour la cause du Roi. Le Grand-Duc, prince de Holstein par sa naissance, avait puisé dans l'histoire de ses ancêtres une haine implacable contre les Danois, causée par les injustices criantes que les rois de Danemark avaient faites à sa famille; le Grand-Duc, craignant alors que les affaires du Roi ne prissent une tournure qui l'obligeât à se lier avec les Danois, lui offrit son crédit et tous les services qu'il pourrait lui rendre en Russie, pourvu qu'il n'entrât en aucun engagement avec ces ennemis constants du Holstein. Le Roi accepta l'offre; il promit de ne faire aucun traité avec le Danemark, et quoique cette condescendance ne lui valût pas d'avantages récents, on verra, par la suite de cet ouvrage, que cette liaison étroite avec le grand-duc de Russie bouleversa les grands projets des Autrichiens. Avec quelque secret que toutes ces affaires se traitassent, il en perça cependant quelque chose; les ministres de France et d'Autriche s'aperçurent d'une variation de conduite du côté du grand chancelier; ils eurent vent des ordres qu'il avait expédiés pour le maréchal Apraxin, et ils se servirent du favori de l'Impératrice, Iwan Schuwaloff, pour faire disgracier ce ministre et causer toutes sortes de déboires à la jeune cour. Depuis ce moment, tout plia devant ces ambassadeurs en Russie, et ils entraînèrent l'impératrice Élisabeth dans des mesures violentes et peu conformes aux véritables intérêts de son empire.

La cour de Vienne avait reçu des secousses si fortes à la fin de la dernière campagne, que sa constance en fut ébranlée. Elle s'était crue sur le point de terminer la guerre, et regardait comme faite la conquête de la Silésie; déchue tout à coup de ces idées flatteuses, elle vit son armée ruinée, dont les débris à peine purent se sauver en Bohême. Ces malheurs inattendus ralentirent son ardeur pour la