<176> L'armée de M. de Soubise s'était répandue par tant de chemins, qu'on ne savait par lequel la suivre. Les paysans assuraient que le plus grand nombre des fuyards avait pris la route de l'Eckartsberg, et le Roi y marcha avec ses troupes. Toute cette journée ne s'employa qu'à augmenter le nombre des prisonniers : les détachements qui s'envoyèrent en différents lieux en amenèrent tous. Cependant on trouva l'Eckartsberg garni par un corps des cercles, qui pouvait être de cinq à six mille hommes. Le Roi, qui n'avait d'autre infanterie que les volontaires de Mayr, les embusqua avec des hussards dans un bois voisin de ce camp, avec ordre d'alarmer l'ennemi toute la nuit  : les cercles, mécontents de ce qu'on troublait leur sommeil, abandonnèrent leur poste, et ils y perdirent quatre cents hommes, avec dix pièces de canon. M. de Lentulus,a qui les suivit le lendemain jusqu'à Erfurt, leur enleva encore huit cents hommes, qu'il ramena au Roi.

La journée de Rossbach avait coûté dix mille hommes à l'armée de M. de Soubise. Les Prussiens en prirent sept mille prisonniers; ils y gagnèrent de plus soixante-trois canons, quinze étendards, sept drapeaux et une paire de timbales. Il est certain qu'en considérant la conduite des généraux français, on aura de la peine à l'approuver  : leur intention était sans contredit de chasser les Prussiens de la Saxe; mais l'intérêt de leurs alliés ne demandait-il pas plutôt qu'ils se bornassent simplement à contenir le Roi vis-à-vis d'eux, pour donner au maréchal Daun et au prince de Lorraine le temps d'achever la conquête de la Silésie? Pour peu qu'ils eussent encore arrêté le Roi en Thuringe, cette conquête était non seulement faite, mais la saison devenait de plus si rude et si avancée, qu'il aurait été impossible aux Prussiens de faire en Silésie les progrès dont nous aurons incessam-


a Robert-Scipion baron de Lentulus, fils du général autrichien mentionné t. II, p. 75 et 101, naquit à Vienne en 1714 Après la victoire de Rossbach, il devint général-major, et en 1758, commandeur en chef du troisième régiment de cuirassiers, appelé Leibregiment.