<144> tirant plus vers la Sasawa, on protégeait mieux le siége, et l'on découvrait les dépôts, dont la perte se serait promptement ensuivie, sans compter qu'en perdant du terrain où il y avait du fourrage, l'armée en se retirant se resserrait dans un pays mangé, où les vivres avaient été consumés d'avance. Il se présentait d'autres considérations plus fortes encore : le maréchal Daun commandait une armée de soixante mille hommes, que l'Impératrice-Reine avait rassemblée à grands frais; était-il à croire qu'on souffrît impunément à Vienne, ayant autant de troupes en Bohême, que les Prussiens fissent dans Prague le prince de Lorraine et quarante mille hommes prisonniers de guerre en présence de cette armée? On savait même que le maréchal Daun avait des ordres de tout risquer pour délivrer le prince de Lorraine. Ainsi il s'agissait proprement de se déterminer dans le choix, s'il valait mieux laisser aux ennemis la liberté d'attaquer les troupes prussiennes dans leur poste, ou s'il valait mieux les prévenir et les attaquer soi-même. Ajoutons à ces considérations que, depuis que le maréchal Daun se trouvait en force, il était impossible de prendre Prague sans gagner une seconde bataille, et qu'il aurait été honteux pour l'honneur des armes d'en lever le siége à l'approche de l'ennemi, vu que tout ce qui pouvait arriver de pis était d'abandonner cette entreprise, au cas que l'ennemi remportât la victoire. Outre tout ce que nous venons de dire, une raison plus importante encore obligeait d'en venir à une décision; c'est qu'en gagnant encore une bataille le Roi prenait sur les Impériaux une entière supériorité. Les princes de l'Empire, déjà incertains et indécis, l'auraient conjuré de leur accorder la neutralité; les Français se seraient trouvés dérangés et peut-être arrêtés dans leurs opérations en Allemagne; les Suédois en seraient devenus plus pacifiques et plus circonspects; la cour de Pétersbourg même aurait fait des réflexions différentes, parce que le Roi se serait vu dans une situation à pouvoir envoyer sans risque des secours à son armée de Prusse, et même à celle du duc de Cumber-