<105> l'ennemi, elle se contenta de l'observer. Le Roi ne pouvait effectivement point agir offensivement. Pour donner de vraies jalousies à M. de Browne, il fallait passer l'Éger, et si on le faisait, le détachement des Impériaux de Leitmeritz, se trouvant à dos des Prussiens, était à portée de leur enlever leur magasin d'Aussig; de plus, en passant l'Éger on s'éloignait trop de sa ligne de défense, et l'on se mettait hors de portée d'envoyer en Saxe de prompts secours. Si l'on se déterminait à prendre Leitmeritz, loin de gagner par là, on se trouvait dans un plus grand embarras, parce qu'on s'affaiblissait par la garnison que demandait cette Aille, et que, ne pouvant pas garnir les hauteurs qui l'environnent et qui la dominent, on aurait exposé cette garnison à être enlevée sitôt que l'ennemi eût entrepris sur elle. Toutes ces raisons firent que le Roi fut obligé de se contenter d'avoir gagné une bataille au commencement d'une guerre, et qu'il borna ses projets à empêcher que M. de Browne ne fît des détachements, ou, s'il en faisait, d'en envoyer d'aussi forts au secours du camp de la Saxe.

L'armée prussienne de Bohême était de la moitié plus faible que celle des Impériaux; mais les troupes étaient si bonnes, si bien disciplinées, et les officiers si valeureux, qu'elles se comptaient, sinon supérieures, du moins égales à l'ennemi. Quelle que soit la bonne opinion qu'on a de soi-même, la sécurité est toujours dangereuse à la guerre, et il vaut mieux prendre des précautions superflues, que de négliger les nécessaires; et comme le nombre était du côté des Autrichiens, que d'ailleurs le Roi aurait pu se voir obligé à faire des détachements, il ordonna qu'on travaillât à élever quelques batteries et à retrancher les parties les plus faibles de son camp; cela se trouva d'autant mieux fait, qu'on apprit le 6 que M. de Browne avait détaché à la sourdine quelques régiments de son armée; que ce corps, taxé à six mille hommes, ayant passé par Raudnitz, s'avançait vers Böhmisch-Leipa, pour suivre de là la route qui mène en Saxe. Quoique ce détachement ne causât pas de grandes appréhensions, le