<68> qu'ils pourraient souffrir des Prussiens. L'armée ne trouvait donc que des déserts sur son passage, des villages vides : personne n'apportait au camp de denrées à vendre; et le peuple, qui craignait la dureté rigoureuse des punitions autrichiennes, ne se laissait persuader par aucune somme qu'on lui offrait de donner. Ces embarras furent encore augmentés par un corps de dix mille hussards que les Autrichiens avaient fait venir de Hongrie, et qui coupèrent les communications à l'armée dans un pays qui n'était qu'un composé de marais, de bois, de rochers, et de tous les défilés qu'un terrain peut produire. L'ennemi avait, avec cette supériorité en troupes légères, l'avantage de savoir tout ce qui se faisait dans le camp du Roi; et les Prussiens n'osaient aventurer leurs batteurs d'estrade, à moins de les compter pour perdus, vu la supériorité de ceux des ennemis : de sorte que l'armée du Roi, toujours retranchée à la romaine, était réduite à l'enceinte de son camp.

Le manque de vivres joint à cette gêne où se trouvaient les Prussiens, les obligea de retourner sur leurs pas. Le maréchal de Schwerin était d'avis qu'il fallait se porter sur Neuhaus, pour augmenter la jalousie que les ennemis pouvaient avoir sur l'Autriche; le prince Léopold soutenait qu'il fallait se porter sur Budweis, qui était occupé par M. de Nassau. Sur ces entrefaites, un espion apporte la nouvelle que l'armée du prince de Lorraine était à Protiwin. Cet avis décida du parti qu'il y avait à prendre. L'armée repassa la Moldau, et se campa sur les hauteurs de Wodnian; mais à peine y fut-on arrivé, que la fausseté de cet avis fut connue : cela mit de la mésintelligence entre M. de Schwerin et le prince Léopold, et le Roi fut souvent dans le cas d'interposer son autorité, pour empêcher que la jalousie de ces deux maréchaux ne nuisît au bien général.

M. de Jahnus, lieutenant-colonel dans les hussards de Dieury, avait été détaché pour presser les livraisons que les gens de ces contrées devaient faire à Tabor : le besoin en était d'autant plus pressant, que