<42> je n'ai qu'à vous rappeler un propos que M. de Molé, général autrichien passant par Berlin, tint à M. de Schmettau : " Ma cour n'est pas assez mal avisée pour attaquer la Silésie; nous sommes alliés avec la cour de Dresde; le chemin de la Lusace est le plus direct qui mène à Berlin : c'est là où il nous convient de faire la paix. " Vous direz que Molé parlait au hasard; mais voyez ce qui confirme que le dessein de faire la paix à Berlin était celui de la cour de Vienne : le prince Louis de Brunswic avait entendu parler de ce même plan, de la bouche de la reine de Hongrie, au service de laquelle il était; il en avait fait confidence à son frère le duc régnant, et celui-là me l'avait communiqué. Un aveu de la bouche de l'ennemi tient lieu d'une démonstration. Je conclus donc que nous n'avons rien à gagner en attendant, mais tout à perdre; qu'il faut donc faire la guerre, et qu'il vaut mieux, s'il le faut, périr avec honneur, que de se laisser accabler avec honte quand on ne peut plus se défendre. "

Cependant le Roi ne se précipita point; le temps n'était pas encore venu d'éclater : il attendait des conjonctures favorables, pour se mettre dans tout son avantage. Dans ce temps-là l'Empereur, croyant ses affaires désespérées, envoya le comte de Seckendorff à Berlin,a pour engager le roi de Prusse à le soutenir. Seckendorff se croyait assez fort pour obliger la Saxe à changer de parti; il assura que les Français agiraient avec vigueur, que leurs intentions étaient sincères; il pressa beaucoup le Roi de se déclarer : son heure n'était pas encore venue, et il lui fit la réponse contenue dans ces points : 1o Avant de s'engager avec l'Empereur et la France, Sa Majesté regarde comme un préalable que l'alliance du Roi avec la Russie et la Suède soit conclue. 2o La Suède promettra de faire une diversion dans le pays de Brème, en même temps qu'une armée française attaquera le pays de Hanovre. 3o La France promettra d'agir offensivement sur le Rhin, et de poursuivre vivement les Autrichiens, lorsque


a Le feld-maréchal comte Seckendorff vint à Berlin le 11 février 1744.