<23>naître et de prendre quelques mesures. Ils avaient à la vérité perdu la Bavière; mais leur amour-propre était flatté d'avoir empêché leurs ennemis de passer le Rhin et de pénétrer en Alsace.

Si la fortune changea souvent de parti dans cette guerre, l'intérêt ne changea pas moins la politique des souverains. Nous avons dit que le roi de Sardaigne avait signé le traité de Worms. Ce traité fut publié dans le temps même qu'il négociait encore avec la France et l'Espagne, et qu'on s'attendait à Versailles à recevoir d'un jour à l'autre des nouvelles de la conclusion du traité. Les ministres de Louis XV ne furent pas les maîtres de dissimuler leur ressentiment, et trouvant dans la conduite du roi de Sardaigne des marques de duplicité et de mépris, ils éclatèrent. Le ministre de France fut incessamment rappelé de Turin; un corps de dix mille hommes de troupes françaises se joignit au marquis de la Mina, qui commandait sous Don Philippe dans la rivière de Gênes. La Mina, pour forcer les passages du Piémont, tenta de pénétrer par Fort-Dauphin, mais le roi de Sardaigne l'avait prévenu : il s'y était retranché, et occupait deux forts qui sont sur des collines à droite et à gauche du passage. Les Savoisiens défendirent si vigoureusement cette gorge, que les Français et les Espagnols, repoussés de tous côtés, se retirèrent en Dauphiné, après avoir perdu six mille hommes dans cette expédition infructueuse.

La facilité qu'eut la cour de Vienne à faire entrer le roi de Sardaigne dans son alliance, lui persuada qu'elle pourrait se procurer un avantage semblable en Russie, pour fortifier par son assistance ce qu'elle appelait la bonne cause. La France le sut, et renvoya le marquis de La Chétardie à Pétersbourg, pour s'opposer aux desseins de ses ennemis. Cet envoyé, qui par son adresse avait placé Élisabeth sur le trône, croyait de recevoir dans sa mission des marques de reconnaissance de cette cour : il n'en emporta que des témoignages d'ingratitude. Ce pays était plein de fermentation; tant de souverains