<146> offensivement, et, s'il le pouvait avec avantage, d'engager une affaire générale avec les Prussiens. Pour l'aider dans une entreprise aussi importante, elle lui avait formé une espèce de conseil, formé par le duc d'Aremberg et le prince Lobkowitz, qu'elle envoya tous deux à l'armée. Elle se flattait d'avoir pourvu à tout, et que la fortune, qui avait couronné son époux à Francfort, lui gagnerait des batailles en Bohème. On sut bientôt dans le camp prussien que MM. d'Aremberg et de Lobkowitz avaient joint le prince de Lorraine, et l'on devina à peu près les intentions de l'Impératrice-Reine. Le prince Lobkowitz, d'un tempérament violent et impétueux, voulait attaquer et ferrailler sans cesse; il envoyait tous les jours les hussards à la petite guerre, souvent même mal à propos, et il s'emportait lorsque Nadasdy ou Franquini avait essuyé quelque échec. Le prince de Lorraine, qui connaissait les Prussiens pour avoir fait trois campagnes contre eux, aurait préféré la guerre de chicane à celle qu'on lui ordonnait de faire; il se serait contenté de disputer les subsistances, et de brûler son ennemi à petit feu, et d'accumuler beaucoup de petits avantages, qui, réunis, font l'équivalent des plus grands succès. Pour le duc d'Aremberg, appesanti par la volupté et par l'âge, il était de l'avis du dernier qui opinait.

Les deux armées n'étaient distantes l'une de l'autre que d'une demi-portée de canon. Le Roi, de sa tente qui était sur une hauteur, avait tous les jours le spectacle des généraux ennemis qui venaient reconnaître sa position : on les aurait pris pour des astronomes, car ils observaient les Prussiens avec de grands tubes; ensuite ils délibéraient ensemble; mais ils ne pouvaient rien entreprendre sur ce camp qui était trop avantageux et trop fort pour être brusqué. Bientôt les ennemis donnèrent l'alarme au corps du général Lehwaldt : quinze cents pandours passèrent la Mettau pendant la nuit, et se retranchèrent sur une hauteur voisine de celle des Prussiens; un essaim de troupes légères devait les suivre. M. de Lehwaldt ne leur en laissa